4 juillet 2006

Encore raté

Je suis passé devant les affiches à plusieurs reprises, traversant le centre ville pour aller travailler de l'autre côté. Mais la date du concert me semblait encore lointaine, ce début de juillet qui sent si bon l'approche des vacances. J'avais déjà raté Raimon à l'Olympia en juin (malgré les annonces dithyrambiques sur RFI), j'aurai raté HFT à Melun en juillet, même mêlé à d'autres artistes que j'aurais certes pu découvrir.

Sa chanson que j'ai passé en boucle au creux de cet hiver étrange, plein de routes et de doutes, je vais me la remettre dans la voiture ce soir. Elle me rappelle combien je l'aime, combien j'ai été stupide de douter d'elle. Combien ces moments de fusion charnelle sont si forts que j'aurais du mal à trouver les mots pour les décrire (et les comptes-rendus frisant le rapport médico-légal que l'on trouvait autre fois dans la prose des nègres de Gérard de Villiers, et qui se sont répandus partout, de Quim Monzó à la collection harlequin, ne présentent qu'un intérêt très limité et surtout sont à mille lieues du réel, enfin au moins du mien).

Je n'ai pas de mots assez durs...

Quand les ombres du soir chevauchent sur la lande
avec dans leurs passeports Sherwood ou Brocéliande
quand les elfes titubent sous l'alcool de sorgho
dans les cercles succubes de la lune en faisceaux
quand les vents de minuit décoiffent les serments
des amants sous les aulnes d'un hôtel flamand
quand tes visions nocturnes t'empêchent de rêver
& couvrent ton sommeil d'un voile inachevé
je n'ai plus de mots assez durs
pour te dire que je t'aime

quand les chauves-souris flirtent avec les rossignols
dans les ruines d'un royaume où mon crâne est mongol
quand les syndicats brûlent nos rushes & nos démos
pour en finir avec le jugement des salauds
quand Humpty Dumpty jongle avec nos mots sans noms
dans le bourdonnement des câbles à hautes tension
quand tu m'offres épuisée sous l'œil d'une opaline
les charmes vénéneux de tes fragrances intimes
je n'ai plus de mots assez durs
pour te dire que je t'aime

Quand les théâtres antiques recèlent nos orgies
Çatal Hoyük Airport / Manco Capac City
quand nos murs se recouvrent de hiéroglyphes indiens
avec nos voix blafardes en feed-back au matin
quand tes mangoustes viennent avaler mes couleuvres
dans ces nuits tropicales où rugit le grand œuvre
quand l'ange anthropophage nous guident sur la colline
pour un nouveau festin de nos chairs androgynes
je n'ai plus de mots assez durs
pour te dire que je t'aime

Quand les clochards opposent la classe & l'infini
à la vulgarité glauque de la bourgeoisie
quand les valets de cours, plaideurs pusillanimes
encombrent de leurs voix nos silences & nos rimes
quand aux détours d'un bar tu flingues aux lavabos è
quelque juge emportant ma tête sur un plateau
quand tu branches les hélices de ma mémoire astrale
sur les capteurs-influx de ta flamme initiale
je n'ai plus de mots assez durs
pour te dire que je t'aime

Quand les traces de rorschach sur la tôle ondulée
servent aux maîtres à tester l'autochtone humilié
quand sur la moleskine des limousines en liesse
ils en rient en fumant la mucho cojones
quand les cris de l'amour croisent les crocs de la haine
dans l'encyclopédie des clameurs souterraines
quand je rentre amoché / fatigué / dézingué
en rêvant de mourir sur ton ventre mouillé
je n'ai plus de mots assez durs
pour te dire que je t'aime

Quand dans la lumière sale d'un miroir tamisé
tu croise l'œil éphémère d'une salamandre ailée
quand dans les brumes étales de nos corps transparents
tu réveilles mes volcans lumineux du néant
quand mes pensées confuses s'éclairent au magnésium
sur les écrans-secrets de ton pandémonium
quand mes bougainvillées se mêlent aux herbes folles
dans ta chaleur biguine au crépuscule créole
je n'ai plus de mots assez durs
pour te dire que je t'aime

quand les ombres du soir poursuivent sur la lande
le flash des feux arrière d'une soucoupe volante
quand le soleil se brûle aux contours de tes reins
parmi les masques obscurs d'un carnaval romain
quand l'ordre des humain nous verse dans son cocktail
quand l'ordre des humain nous sert dans son cocktail
5 milliards de versions différentes du réel
quand tu pleures essoufflée au creux de ma poitrine
avec le doux murmure des fréquences féminines
je n'ai plus de mots assez durs
pour te dire que je t'aime

Hubert Félix Thiéfaine

3 commentaires:

  1. en cherchant les paroles de sentiments numériques revisiter ( histoire de pleurer un peu sur une tres belle histoire d'amour que j'ai gaché ) je suis tombé sur ce blog. très touchant. bonne continuation. Morgane gamine de 17 ans qui passait par la.

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  2. et puis, tout doit pouvoir se rattraper, essaie encore !

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