24 mai 2007

Bien profond...

Pourquoi travailler plus pour payer plus d'impôts ?

Avec la suppression des abattements dans la déclaration de revenus, et une augmentation minime de ceux-ci, voilà que mon impôt sur le revenu 2006 va être 12 fois plus élevé que le précédent... Je n'ai pas l'habitude de me plaindre, je m'estime correctement payé (bon, les salaires cumulés de notre famille ne nous placent qu'à peine en bas de la "classe moyenne"), mais étant "cadre" et donc au forfait jours, je n'ai pas d'heures supplémentaires possibles, et grâce au gouvernement UMP (des présidents Chirac et Sarkozy) mes revenus diminuent à hauteur de 270 euros par mois (heureusement qu'il y a la mensualisation...)

En tant que propriétaire, j'ai vaguement entendu parler de réductions d'impôt sur les intérêts d'emprunts. J'ai acheté ma maison fin 1999, mais voilà : "La mesure prendra la forme d'un «crédit d'impôt limité dans le temps» et «sera applicable aux résidences principales dont l'acte authentique de vente a été signé après le 6 mai 2007, jour de l'élection du président de la République». Un texte fixant les modalités de cette mesure ainsi que d'autres dispositions fiscales pourrait être présenté en Conseil des ministres avant les législatives."

Il y a déjà des naïfs qui ont voté pour M. de Petit Botcha qui se disent déçus... quelle surprise...

20 mai 2007

Kouchner au Kärcher

Encore un excellent article de Bakchich...

Casserole | vendredi, 18 mai 2007 | par Xavier Monnier
Dans le bal des traîtres qui a rythmé la présidentielle, certains se sont solidement démarqués, comme l’inimitable Eric Besson. Bernanrd Kouchner, qui n’en avait pas eu le temps, a finalement rejoint cette sympathique équipe, en devenant ministre des Affaires étrangères du gouvernement Fillon.

Dépositaire du poste si envié de ministre des Affaires Étrangères, Bernard Kouchner présente le profil rêvé du poste, si, si. Un passé d’humanitaire respectable, tout fondateur de Médecins sans frontières qu’il est. Une gueule de beau mec à même de faire rayonner l’esprit français à travers le monde, droit dans la ligne d’un Roland Dumas ou d’un Dominique de Villepin. Une aura d’homme de gauche (on ne rit pas) à faire pâlir Bernard Tapie et propre à incarner l’ouverture dans la rupture chère au nouveau président Sarkozy.

Bref, le candidat idéal. « Il est très populaire, il est déjà tricard à gauche et, vu son âge, il n’a rien à perdre », lâche même un élu de droite dans le Monde (14/05).

D’autant que les états de service à l’international du sieur Bernard parlent pour lui. Outre son mandat de représentant spécial de l’ONU au Kosovo, l’ardent défenseur de « l’ingérence humanitaire » a pas mal crapahuté. Sans trop user son concept.

En Birmanie par exemple, le « French doctor » sut défendre l’entreprise Total contre les accusations de travail forcé que d’affreuses mauvaises langues colportaient. Et l’homme sait travailler pour peu. Contre 25 petits milliers d’euros et quelques jours aux frais du géant pétrolier du côté de Rangoon, Bernard a pondu un rapport au poil en 2003. Non, non, le travail forcé « une coutume ancienne, qui fut légalisée par les Anglais en 1907 » n’a pas été utilisé par l’entreprise française sur ses chantiers de Yandana. Mieux, les Birmans rencontrés à l’occasion étaient « absolument heureux de la présence de Total ». Tant pis pour la plainte déposée en 2002 contre Total...

Et son expertise ne s’arrête pas aux confins de l’Orient lointain. L’Afrique, bien après l’épisode du sac de riz les pieds dans l’eau en Somalie – photo spontanée qui a nécessité trois poses rappellent les mesquins – a eu droit aux augustes conseils de l’une des personnalités politiques préférées des français.

L’émir d’Afrique centrale, l’éminent président du Gabon Omar Bongo, a fait depuis longtemps appel à ses services. Histoire de mettre du beurre dans les épinards, l’ancien ministre de la Santé a accepté une petite mission à Libreville : une étude pour y créer une sécurité sociale à la Française.

Dans l’Afrique pétrolière et démocrate, où Total est tout à son aise, un autre fan a fait appel à son auguste personne, Denis Sassou Nguesso. Lors d’une des innombrables visites à Paris du Président congolais, Kouchner a eu l’inestimable chance d’être reçu en audience, fin février 2006. À la clé, une demande présidentielle de « réflexion sur les problèmes de Santé au Congo ». En gros, une réforme de la sécurité sociale congolaise, et, en passant, songer à prémunir l’Afrique contre la grippe aviaire. Bernard a eu l’air ravi de son entretien avec un chef d’État dont la générosité n’est pas la moindre des qualités... « Quand on s’adresse à M. Sassou Nguesso, on s’adresse à la fois au président du Congo et au Président de l’Union africaine (NDLR, poste qu’occupait Sassou à l’époque) », a-t-il alors déclaré.

Ménagère des leaders françafricains, blanchisseuse des méthodes des grandes entreprises françaises, ségoliste assez tiède, Kouchner ne dépareillerait pas dans la galaxie Sarkozy. Sa place aux côtés d’un Juppé, numéro 2 annoncé et déjà condamné, d’un Eric Besson ou d’un Hervé Morin, « Judas » de talent, d’une Rachida Dati si justement ambitieuse, n’a rien d’usurpé. Même l’Identité nationale ne devrait pas gêner« l’homme qui cherchait les Blancs » en équipe de France de football.

Se passer d’un tel talent au gouvernement aurait, même, été presque indécent.

Pourris de toutes idéologies, unissez-vous !

19 mai 2007

Omega

J'ai appris après coup que c'était le quatrième opus de Jack Mac Devitt dans la série commençant par Les machines de Dieu que j'avais emprunté lors d'une visite dans ma famille. J'en ai donc encore deux à trouver et à lire...

Dans cette période où j'ai peu de temps pour lire, cela n'a pas été facile au début de retrouver le fil. Et puis, au fil des pages (600 environ), on se laisse prendre, même si la fin "heureuse" est désespérément hollywoodienne.

15 mai 2007

Et revoilà Napoléon III

Excellent article paru dans Bakchich...
Vue d’Alger mardi 15 mai 2007 par Malika Rededal

Ce n’est pas mon genre de me moquer des présidents des autres pays, surtout publiquement, d’autant qu’en la matière nous n’avons pas de leçons à donner. Et de quel droit me moquerais-je du choix des français qui ne me regarde pas quand je parle depuis un pays qui, chaque fois que la France se mêle de nos histoires, se met à crier à l’ingérence. Mais quand même, j’aimerais que quelqu’un m’explique : pourquoi un jeune président français qui n’a pas fait la guerre d’Algérie, qui monte à cheval comme un cow-boy, qui à peine élu court faire la bringue au Fouquet’s, puis se jette dans un jet avant d’aller se bronzer dans un yacht sur les côtes maltaises, parle-t-il dès qu’il s’agit d’Algérie et des colonies françaises comme un preux chevalier du 17 ème siècle, comme si l’humanité faisait encore la guerre à cheval et à dos d’âne ?

Comment un jeune président de la République française peut-il dire devant les caméras du monde entier des choses aussi surannées que celles-ci : « Le rêve européen […] s’est rétréci quand s’est brisé le rêve qui jeta jadis les chevaliers de toute l’Europe sur les routes de l’Orient, le rêve qui attira vers le sud tant d’empereurs du Saint Empire et tant de rois de France, le rêve qui fut le rêve de Bonaparte en Egypte, de Napoléon III en Algérie, de Lyautey au Maroc. Ce rêve qui ne fut pas tant un rêve de conquête qu’un rêve de civilisation. »

Ces propos n’ont pas été tenus jadis mais le 3 mai dernier à Montpellier. C’est génétique ou quoi cette cécité, cette volonté d’imposer ses rêves aux autres ? « Rêves de civilisation », incroyable quand même, pour Sarkozy comme pour Napoléon III, nous restons des barbares. De Napoléon III à Nicolas Sarkozy, deux siècles d’histoire nous regardent. Deux siècles. La première fois que Napoléon III employa l’expression de Royaume arabe c’était en 1863. L’Algérie vaincue et occupée depuis 1830 divise la France coloniale entre les partisans « du pouvoir du sabre » et les partisans du pouvoir civil, toute la question étant de savoir quelles miettes laisser aux indigènes. Les colons veulent tout et maintenant, les militaires avec leurs fameux « bureaux arabes » veulent se rallier de gré ou de force les chefs des tribus algériennes pour gouverner cette nouvelle colonie. Napoléon III que l’on décrit comme un indigénophile est moins méchant que les colons et ils aiment bien voir les cavaliers arabes sur leurs chevaux à condition qu’ils se rallient à la mission civilisatrice de la France. Savez-vous ce que chantait un poète kabyle, Smaïl Azzikiou, un contemporain de ce Napoléon III, pendant que ce dernier rêvait de nous civiliser, Smaïl, lui chantait : « Ton cœur ô France est implacable/Les gens sont partis en emportant leurs ustensiles./Les terres ont été prises par les Espagnols,/Les Maltais et les agents prévaricateurs./Vous vous êtes emparés des cimetières et des communaux. /On ne sait plus où attacher un âne ! »

Comment voulez-vous nous civiliser ô France implacable si on a même plus de place pour attacher nos ânes ? C’est pour cela que depuis nous cachons nos moutons dans nos baignoires.

Après Napoléon le Petit, voici Nicolas le Petit...

13 mai 2007

49 ans après...

Même si l'auteur de cet article s'est depuis quelque peu discrédité, voici un peu d'histoire. 49 ans après, nous ne sommes toujours pas aprvenus à retrouver la légitimité républicaine...

Le coup d’État du 13 mai 1958, par Thierry Meyssaen

1958, voici quatre ans que l’Algérie est le théâtre d’une nouvelle guerre coloniale. Pour écraser le mouvement de libération nationale, les gouvernements de gauche ont fait appel au contingent. Quatre cent mille hommes ont été envoyés au combat dans le vain espoir de trouver une solution militaire à un problème politique. Après la défaite de Diên-Biên-Phu et la perte de l’Indochine, après l’indépendance du Maroc et de la Tunisie, celle de l’Algérie paraît inévitable. L’opinion publique métropolitaine y est clairement favorable, mais aucun gouvernement ne dispose d’une majorité suffisante à la Chambre des députés pour la réaliser. Petit à petit, l’idée d’un nouveau Front populaire fait son chemin. L’alliance des radicaux, des socialistes et des communistes, au sein d’un même gouvernement, garantirait la stabilité nécessaire pour mettre fin à la guerre.

À Washington, le Conseil national de sécurité (NSC, National Security Council ; le site de la Maison Blanche propose un historique du Conseil) anticipe avec inquiétude cette éventualité. En pleine guerre froide, l’entrée des communistes au gouvernement français menacerait l’équilibre politique de l’Europe occidentale et risquerait de déstabiliser en chaîne d’autres États alliés. Elle menacerait directement la sécurité du commandement de l’Alliance atlantique, installé sur le sol français. Elle compromettrait le rôle stratégique dévolu à la force de dissuasion nucléaire française, en cours de constitution, au moment précis où les transferts de technologies américaines permettent d’envisager une première explosion expérimentale. En ouvrant la voie à l’indépendance de l’Algérie, elle placerait inévitablement au pouvoir le seul FLN pro-soviétique au risque de le voir autoriser l’URSS à installer des missiles stratégiques en Afrique du Nord, pointés sur l’Europe occidentale.

En application du National Security Act du 26 juillet 1947 [1] « dans l’intérêt de la paix dans le monde et dans l’intérêt de la sécurité nationale des États-Unis », le Conseil national de sécurité étudie alors les possibilités d’action secrète pour empêcher l’arrivée des communistes au gouvernement français et la prise de contrôle de l’Algérie par les marxistes du FLN. Les informations recueillies par la Central Intelligence Agency (CIA) font état de l’hostilité des officiers supérieurs français à « l’abandon » de l’Algérie et de la lassitude de l’opinion publique. Les rapports du « département des coups tordus », sobriquet de la Direction de la planification, indiquent que les agents « stay-behind » recrutés en France, formés et entretenus par les services secrets de l’Alliance atlantique, sont en mesure de fomenter un coup d’État militaire. Le Département d’État considère que l’instauration d’une dictature militaire en France compromettrait l’image du « monde libre ». Après consultation, il énonce qu’un coup d’État n’apporterait de solution que si l’officier ou la junte au pouvoir auto-limitaient leur dictature et rétablissaient rapidement les libertés démocratiques au sein d’un régime renouvelé d’où les communistes seraient écartés. Pour donner une orientation politique à une junte, on cite le nom d’un général nationaliste, Charles De Gaulle, que le président Eisenhower a connu lorsqu’il dirigeait à Londres le gouvernement en exil de la France libre. Bien que les Anglo-Américains l’aient tenu à l’écart des conférences de Téhéran et de Yalta, puis du débarquement, les États-Unis avaient en définitive reconnu in extremis son gouvernement en exil, l’avaient autorisé à entrer avant eux dans Paris, et l’avaient installé à la tête d’un gouvernement provisoire pour qu’il jugule la pression communiste. Mais De Gaulle, qui n’avait pas encore construit sa légende, fut rapidement chassé du pouvoir par les urnes. En décembre 1947, les Américains songèrent à l’utiliser à nouveau et John F. Dulles [2] vint lui rendre visite pour sonder sa volonté de participer à un éventuel coup d’État en cas de triomphe électoral des communistes. Depuis, ce général attend son heure dans sa retraite de Colombey-les-Deux-Églises.

Le général Dwight D. Eisenhower autorise l’exécution du plan élaboré par le NSC (document 5721/1 du NSC, émis en 1957 [3]), et préparé par le Département de la planification (ex-OPC). Conformément au protocole secret du Traité de l’Atlantique-Nord, le président des États-Unis fait informer oralement le président du Conseil français, le radical Félix Gaillard, que l’Alliance met en œuvre les moyens nécessaires pour faire barrage à un nouveau Front populaire. À cette fin, il dépêche un représentant spécial à Paris, le sous-secrétaire adjoint aux Affaires politiques, Robert D. Murphy. Ce dernier est reçu à l’hôtel de Matignon, le 11 avril 1958. Accompagné par l’ambassadeur Amory Houghton, il remet à Félix Gaillard une lettre sur la situation en Afrique du Nord [4] et transmet un supplément oral. Il est peu probable que le chef du gouvernement ait compris la signification exacte de ce message, peut-être s’est-il attendu à une simple opération de déstabilisation du Parti communiste. Les 29 et 30 avril 1958, les États-Unis convoquent à Paris la première réunion de l’Allied Coordination Committee (ACC) [5] au cours de laquelle, selon le relevé de décisions, ils « développent des avis de politique en matière d’intérêts communs concernant le stay-behind ». Bref, ils réorganisent le réseau et informent leurs alliés que les intérêts communs de l’Alliance exigent de faire intervenir les stay-behind en France.

Le temps des complots

En 1957-58, les stay-behind préparent l’arrivée de Charles De Gaulle en suscitant des complots [6]. Le plus connu est celui du « Grand O ». Il est dirigé par le général Cherrière (CR), fondateur des Unités territoriales qui disposent de vingt-deux mille réservistes, désigné sous le nom de code de « Grand A ». Le général Lionel-Max Chassin, président de l’Association des anciens d’Indochine et coordinateur de la défense aérienne de l’OTAN pour la zone Centre-Europe [7] , est devenu « Grand B ». Chassin est par ailleurs l’un des responsables du « Brain Trust Action », la cellule assassinat du réseau stay-behind. Les conjurés sont recrutés par l’inévitable Docteur Martin, alias « Grand V », figure historique de la « Cagoule » [8]. Ils rassemblent des syndicalistes et divers officiers d’extrême droite disposant chacun de leurs propres réseaux dans les armées. Le sergent Yves Gignac, secrétaire général de l’Association des anciens d’Indochine, puise dans une organisation de vingt-huit mille membres. Tandis que le jeune colon Robert Martel peut compter sur des militants de l’Union française nord-africaine (UFNA) dont il est secrétaire général. Le complot dispose d’une antenne à Alger chez l’occultiste Rolande Renoux. Aux yeux de ses membres, le « Grand O » se propose de sauver l’Empire français en plaçant l’Armée au pouvoir.

Précisément, des officiers supérieurs craignent d’être privés de leur victoire par une capitulation politique comme ils pensent l’avoir été en Indochine. Ils veulent obtenir les pleins pouvoirs en Algérie et des moyens militaires illimités pour écraser la rébellion. Le général Jacques Massu réunit autour de lui ceux pour qui, seul le général Charles De Gaulle est capable d’une telle politique de fermeté. Ne s’est-il pas montré impitoyable, en mai 1945, donnant l’ordre de massacrer des dizaines de milliers de Nord-Africains manifestant à Sétif qui, s’étant battus à ses côtés contre l’Axe, croyaient avoir gagné leur liberté ?

Le lieutenant-colonel Jacques Foccart assure la coordination entre « le » Général et les différents groupes de comploteurs. Le sénateur Michel Debré supervise la propagande en s’appuyant notamment sur l’hebdomadaire grand public Carrefour d’Émilien Amaury et Jean Dannenmüller [9] et sur le bulletin Le Courrier de la Colère de Jean Mauricheau-Baupré. L’activité des stay-behind, devenue voyante, est couverte par le ministre de la Défense, Jacques Chaban-Delmas.

Le moment est venu pour les Américains de passer à l’offensive. Le 30 avril 1958, Michel Debré déclare « Il n’est que temps de réagir et, depuis les meilleurs siècles de la République romaine, on sait ce que signifie réagir. Le gouvernement de Salut public est la seule formule moderne qui définit les mécanismes très anciens grâce auxquels, la Rome libre et fière, en ces temps de crise, allait chercher un Cincinnatus [10] pour lui confier, pendant un temps déterminé, et avec des pouvoirs exceptionnels, le soin de faire la politique que les mécanismes habituels étaient, par faiblesse interne ou devant la gravité des dangers externes, hors d’état d’imposer » [11]. Au New York Times qui lui demande s’il pourrait s’emparer du pouvoir, Charles De Gaulle répond : « Pourquoi pas ? J’ai déjà réalisé deux coups d’État dans ma vie. En juin 1940, quand j’ai établi notre mouvement à Londres, j’ai accompli un coup d’État. Et, en septembre 1944, j’ai fait un coup d’État à Paris... J’ai constitué un gouvernement, j’étais le gouvernement ».

Le coup d’Etat débute à Alger

Le 9 mai 1958, le secrétaire d’État, John F. Dulles, voyageant entre Berlin et Washington, fait une escale de quelques heures à Paris, non pas pour y rencontrer les autorités françaises, mais pour une réunion de travail avec des diplomates et généraux américains en poste en Europe. Il transmet le feu vert de l’opération. Le jour même, le général Raoul Salan télégraphie une mise en garde au gouvernement : « La presse laisse penser que l’abandon de l’Algérie serait envisagé par le processus diplomatique qui commencerait par des négociations en vue d’un cessez-le-feu [...] L’armée française, d’une façon unanime, sentirait comme un outrage l’abandon de ce patrimoine national. On ne saurait préjuger de sa réaction de désespoir ».

Le 13 mai, sur le forum d’Alger, une manifestation de colons en hommage à trois prisonniers exécutés par le FLN, tourne à l’insurrection.

Dans la foule, on reconnaît deux spécialistes de la subversion, directement arrivés de Paris : Delbecque et Ousset. Léon Delbecque représente le ministre de la Défense, Jacques Chaban-Delmas, au cabinet duquel il est chargé de mission. Jean Ousset [12], qui est reconnu comme un maître à penser par de nombreux officiers supérieurs, est envoyé par le Secrétaire général permanent de la Défense nationale, Geoffroy Chodron de Courcel [13]. Il est aussi le fondateur de la Cité catholique et le représentant politique en France de l’Opus Dei [14].

La foule prend d’assaut et saccage le Palais du Gouvernement. Elle déboulonne la statue de la République. Les généraux Jacques Massu et Raoul Salan, qui participent au complot, prennent la tête des insurgés. Ce sont des « durs » qui ont commandé la « bataille d’Alger » et généralisé la torture face au FLN. Apparaissant au balcon du Palais, ils annoncent la création d’un Comité de Salut public, sorte de gouvernement provisoire. Après un moment d’hésitation, Salan renonce plus ou moins au leadership politique et lance un appel à De Gaulle. Parmi les trente-quatre membres du Comité, on trouve Robert Martel et Léon Delbecque, déjà cités, et Pierre Lagaillarde, Joseph Ortiz, Claude Dumont et le colonel Roger Trinquier, qui joueront pour longtemps un rôle de premier plan. Le soir, Massu télégraphie au président de la République, René Coty : « Vous rendons compte création Comité Salut public Civil et Militaire à Alger, sous ma présidence, moi général Massu, en raison gravité exceptionnelle et nécessité absolue maintien de l’ordre, et ce pour éviter toute effusion de sang. Exigeons création à Paris d’un gouvernement de Salut public, seul capable de sauver l’Algérie partie intégrante de la métropole ».

Le président Coty lui écrit en retour : « Gardien de l’unité nationale, je fais appel à votre patriotisme et à votre bon sens pour ne pas ajouter aux épreuves de la patrie celle d’une division des Français en face de l’ennemi [...] Je vous donne l’ordre de rester dans le devoir sous l’autorité du gouvernement de la République française ».

Le 15 mai, la foule scande sur le forum « L’Armée au pouvoir ! ». Le général Raoul Salan abat les cartes en lui répondant au balcon du Palais : « Vive la France, Vive l’Algérie française ! Vive le général De Gaulle ! ». À Paris, les partisans du Comité de Salut public, gaullistes et fascistes du Parti patriote révolutionnaire (PPR) et de Jeune Nation [15], défilent côte à côte sur les Champs-Élysées. Derrière le député Jean-Marie Le Pen, qui ouvre un cortège où se mêlent croix de Lorraine et croix celtiques, ils crient « Algérie française », « Les députés à la Seine ! », « De Gaulle au pouvoir ! ». Le service d’ordre de la manifestation est assuré par l’Association pour l’appel au général De Gaulle dans le respect de la légalité républicaine (sic), une structure mise en place par le stay-behind [16].

Le 16 mai, le gouvernement de Pierre Pflimlin, qui vient tout juste d’être constitué, n’ose pas sanctionner les généraux d’Alger. Il se contente de prévenir la contagion dans les armées en cantonnant le plus loin possible les officiers supérieurs les moins loyalistes. Il décrète la dissolution des ligues fascistes qui viennent de le défier, Jeune Nation et le PPR. Certains dirigeants sont interpellés et écroués. D’autres plongent dans la clandestinité. Me Jean-Baptiste Biaggi et Alain Griotteray, respectivement président et secrétaire général du PPR, s’enfuient en Espagne d’où ils gagnent Alger dans un avion affrété pour eux par le « caudillo » Franco. Ils parviennent à prendre contact avec Massu, mais sont refoulés par Salan, qui ne veut pas partager la vedette. De même, les députés Jean-Marie Le Pen et Jean-Maurice Demarquet tentent de rejoindre Alger et sont également refoulés par Salan. Sur le chemin du retour, ils font une escale en Andorre, pour y rencontrer un des chefs des stay-behind, Pincemain [17]. Pendant ce temps, le Parlement vote l’état d’urgence pour trois mois. Les préfets peuvent prononcer des interdictions de circulation et des couvre-feux. Ils peuvent fermer tout lieu de réunion et assigner qui bon leur semble à résidence. La presse écrite et audiovisuelle est soumise à la censure.

Les Américains se dévoilent

Pour De Gaulle, le fruit est mûr. Dans un communiqué, il déclare : « La dégradation de l’État entraîne infailliblement l’éloignement des peuples associés, le trouble de l’armée au combat, la dislocation nationale, la perte de l’indépendance. Depuis douze ans, la France, aux prises avec des problèmes trop rudes pour le régime des partis, est engagée dans ce processus désastreux. Naguère le pays dans ses profondeurs m’a fait confiance pour le conduire tout entier jusqu’à son salut. Aujourd’hui, devant les épreuves qui montent de nouveau vers lui, qu’il sache que je me tiens prêt à assumer les pouvoirs de la République » (15 mai 1958). Ce que L’Humanité résume dans son titre de « une » : « De Gaulle jette le masque. Le chef des généraux factieux revendique le pouvoir personnel. À bas la dictature militaire ! Travailleurs, républicains de toutes tendances, unissez-vous, agissez, organisez-vous pour briser toute tentative de coup d’État ! Vive la République ! » (16 mai). Tandis que le radical Pierre Mendès-France appelle à la tribune de l’Assemblée nationale « à l’action contre les hommes de la sédition à qui De Gaulle fournit sa caution et son soutien ».

L’avionneur Marcel Dassault ouvre un crédit à son fondé de pouvoir, le général Pierre Guillain de Bénouville, pour assurer les besoins logistiques immédiats. Bénouville loue un avion privé en Suisse et accompagne Jacques Soustelle à Alger. Ancien directeur des services secrets de la France libre, Soustelle avait acquis une grande popularité chez les colons lorsqu’il fut gouverneur général de l’Algérie, en 1955-56. Au nom de De Gaulle, il entend prendre en main la direction politique du Comité de Salut public. Le comte Alain Le Moyne de Sérigny, directeur de L’Écho d’Alger, leur remet dix millions de francs pour financer le coup gaulliste.

Le général Lionel-Max Chassin, ancien coordinateur des forces aériennes de la zone Centre-Europe de l’OTAN, coordonne un mystérieux Comité national pour l’indépendance. Sous ses ordres des Comités secrets de Salut public se forment à Lyon (présidé par le général de corps d’armée Marcel Descour), Bordeaux, La Rochelle, Nantes, Angers, Strasbourg et Marseille (Charles Pasqua). Il appelle à la constitution de comités similaires dans chaque commune et leur donne instruction de se tenir prêts à prendre les préfectures. Toujours le 16 mai, Chassin réunit l’état-major secret du stay-behind à Lyon. Si l’on ignore l’identité des participants à cette rencontre, on peut supposer que le chef de zone du Gladio, François Durand de Grossouvre [18], est présent. Chassin rédige un ultimatum au gouvernement et pose pour une photo de presse [19]. Le communiqué et la photo, où il apparaît en uniforme français et casque américain, mitraillette au poing parmi ses officiers, sont diffusés de Genève. Chassin affirme se tenir prêt à marcher sur Paris à la tête de quinze mille hommes. Inquiet, le gouvernement helvétique demande au général Lionel-Max Chassin de s’engager à ne pas interrompre l’approvisionnement de la Confédération par le couloir rhodanien.

La nouvelle de l’implication des Américains dans la tentative de putsch fait le tour du monde des chancelleries. Elle sème la panique au sein du gouvernement français qui en interdit immédiatement la diffusion sur le territoire national. Tous les journaux qui en font état sont saisis [20]. Un mandat d’amener est délivré à l’encontre du général Chassin qui, selon certains députés, aurait établi son quartier général non loin de Mont-de-Marsan.

Le 19 mai, De Gaulle donne une conférence de presse au Palais d’Orsay. Elle est organisée par les stay-behind de l’Association pour l’appel au général de Gaulle dans le respect de la légalité républicaine qui encadraient la manifestation de Le Pen aux Champs-Élysées. Un journaliste interroge le général : « Certains craignent que, si vous reveniez au pouvoir, vous attentiez aux libertés publiques ». Il répond : « L’ai-je jamais fait ? Au contraire, je les ai rétablies quand elles avaient disparu. Croit-on qu’à soixante-sept ans je vais commencer une carrière de dictateur ? »

L’Assemblée nationale vacille. Plutôt que d’exiger la révocation et l’arrestation des factieux, elle exprime sa peur en votant une vague motion d’hommage à l’armée et reconduit les pouvoirs spéciaux dont dispose les militaires pour conduire la guerre en Algérie. Le gouvernement titube. Incapable d’agir, il s’égare en proposant une tardive réforme constitutionnelle qui lui donnerait une stabilité et une forme collégiale sur le modèle du Conseil fédéral helvétique.

Antoine Pinay, membre de l’Opus Dei, joue de l’image rassurante dont il dispose dans l’opinion publique pour presser le gouvernement, puis le président de la République, de prendre contact avec De Gaulle. Face à la montée du péril, les partis et syndicats de gauche refont leur unité. Ils mobilisent ensemble cinq cent mille manifestants qui marchent de la place de la Nation à celle de la République en scandant « Halte au fascisme, Non à la dictature militaire, Paix en Algérie ».

Le Comité de Salut public, désormais conseillé par Jacques Soustelle, annonce qu’il étend ses pouvoirs au Sahara et déclare qu’il « est fermement résolu à mettre en place un gouvernement de Salut public présidé par le général De Gaulle pour promouvoir et défendre la réforme profonde des Institutions de la République ». Ce que Sérigny explicite dans son journal : le Comité, dit-il, va « renverser le régime pourri ».

Le 24 mai, le président du Conseil Pierre Pflimlin s’adresse par radio à la nation : « J’ai le devoir d’alerter les Français attachés aux libertés que garantissent les lois de la République. Des factieux essaient de nous entraîner sur la pente qui conduit à la guerre civile. Pour conjurer ce péril, il n’est qu’un moyen : c’est de vous rassembler autour du gouvernement qui défendra contre tous les extrémismes, contre tous les adversaires de la liberté, quels qu’ils soient, l’ordre public, la paix civile et l’unité de la Nation et de la République ». Trop tard. Toute alternative crédible au putsch militaire s’est évanouie. Nul, ni à droite, ni à gauche, ne paraît plus en mesure de trouver une solution civile à la crise.

Le 26 mai, le Comité de Salut public se dote d’un triumvirat exécutif composé de Massu, Soustelle et du docteur Sid Cara dans le rôle de l’alibi musulman. Deux cent cinquante parachutistes du 11e Choc débarquent d’Alger et prennent d’assaut la préfecture d’Ajaccio. Cette unité est conduite par le député Pascal Arrighi, qui appartenait avec Biaggi et Griotteray au Réseau Orion sous l’Occupation. Il est porteur d’un ordre de mission du général Raoul Salan et semble obéir à l’état-major secret du général Lionel-Max Chassin. Les parachutistes installent un Comité de Salut public en Corse coprésidé par Pascal Arrighi et Henri Maillot, un conseiller municipal d’Ajaccio qui est parent de De Gaulle.

Le président Coty, qui n’a plus d’autre choix possible, joint le reclus de Colombey-les-Deux-Églises. De Gaulle franchit à son tour le Rubicon. Il communique (27 mai) : « J’ai entamé hier le processus régulier nécessaire à l’établissement d’un gouvernement républicain capable d’assurer l’unité et l’indépendance du pays. Je compte que ce processus va se poursuivre et que le pays fera voir par son calme et sa dignité qu’il souhaite le voir aboutir [...] J’attends des forces terrestres, navales et aériennes, présentes en Algérie qu’elles demeurent exemplaires sous les ordres de leurs chefs. À ces chefs, j’exprime ma confiance et mon intention de prendre incessamment contact avec eux ».

L’Assemblée nationale lève l’immunité parlementaire de Pascal Arrighi et un mandat d’amener est délivré contre lui. Mais il trouve asile au Vatican où le conduit René Brouillet, ambassadeur de France près le Saint-Siège, et où le reçoit son frère, Mgr. Jean-François Arrighi, administrateur des Pieux établissements de la France à Rome.

Le 28 mai, le gouvernement Pflimlin prend acte et démissionne. De Gaulle refuse de se présenter devant les Assemblées pour y être investi et exige qu’on le porte au pouvoir sans qu’il ait à débattre de ses intentions. Dans une lettre au président Coty, il se fait menaçant : « Je me heurte, du côté de la représentation nationale, à une opposition déterminée. D’autre part, je sais qu’en Algérie et dans l’armée, quoi que j’aie pu dire, quoi que je puisse dire aujourd’hui, le mouvement des esprits est tel que cet échec de ma proposition risque de briser les barrières et même de submerger le commandement [...] Ceux qui, par un sectarisme qui m’est incompréhensible, m’auront empêché de tirer encore une fois la République d’affaire, quand il en était encore temps, porteront une lourde responsabilité. Quant à moi, je n’aurai plus, jusqu’à ma mort, qu’à rester dans mon chagrin ».

Dans une interview à la presse britannique, le général Jacques Massu déclare : « C’est au général De Gaulle de décider si l’armée doit le porter au pouvoir par la force ou non » [21].

Désemparés par les événements, effrayés par les troubles et le déploiement de la troupe à Paris, les parlementaires investissent sans débat Charles De Gaulle comme président du Conseil, le 1er juin. Rares sont ceux qui, comme Pierre Mendès-France, s’y opposent. Celui-ci clame : « Je n’admets pas de vote sous la menace de l’insurrection et du coup de force militaire », « Quoi qu’il en coûte aux sentiments que j’éprouve pour la personne et pour le passé du général de Gaulle, je ne voterai pas en faveur de son investiture. Je ne puis admettre de donner un vote contraint par l’insurrection et la menace d’un coup de force militaire. Car la décision que l’Assemblée va prendre - chacun le sait ici n’est pas une décision libre, le consentement que l’on va donner est vicié ».

Deux jours plus tard, l’Assemblée se saborde : elle autorise le général-président à user de pouvoirs spéciaux en Algérie, lui remet les pouvoirs constituants, enfin lui accorde les pleins pouvoirs pour six mois. De son « perchoir », le président de l’Assemblée lance par bravade un tonitruant « Vive la République ! » et conclut tristement « Prochaine séance à une date indéterminée ». La IVe République vient d’être renversée sous la pression des armes. Le sang n’a pas été versé, les épées ne sont pas sorties des fourreaux.

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Léon Delbecque (au centre), représentant du général De Gaulle, et les membres des Comités de Salut public d’Ajaccio et de Bastia saluent à l’issue d’un diescours de Pascal Arrighi. L’intention des conjurés et le sort qu’ils réservent au pays ne font aucun doute si le Parlement refuse d’investir De Gaulle.
Cette photogrpahie, censurée en France, fut publiée dans la presse italienne avec la légende : "Ils s’apprêtent à marcher sur Paris" (référence à la marche sur Rome qui permit à Mussolini de prendre le pouvoir).

La renaissance de la France éternelle est en marche : De Gaulle interrompt l’opération « Résurrection », c’est le nom donné au complot. Le général d’armée Max Gelée rappelle les parachutistes, qui avaient déjà décollé : il n’est plus nécessaire qu’ils sautent sur le Palais-Bourbon pour arrêter les principaux leaders de la gauche. Jacques Dauer, quant à lui, stoppe les commandos civils qui, déjà regroupés et armés autour de Jean-Baptiste Biaggi et d’Alain Griotteray (PPR), des frères Jacques et Pierre Sidos (Jeune Nation), d’Alexandre Sanguinetti et du colonel Paul Paillole (Amicale des anciens des services spéciaux) se tenaient eux aussi prêts à l’assaut.

De Gaulle rappelle de Rome l’ambassadeur René Brouillet qu’il nomme secrétaire général du gouvernement pour l’Algérie, tandis qu’il désigne Geoffroy Chodron de Courcel comme ambassadeur à l’OTAN. Il choisit comme directeur de son cabinet Georges Pompidou, directeur général de la banque Rothschild frères. Il donne des airs d’union nationale au gouvernement en y intégrant, avec les honneurs, mais sans portefeuilles, Guy Mollet (SFIO) et Pierre Pflimlin (MRP).

En juillet 1958, le secrétaire d’État américain, John Foster Dulles, vient rencontrer officiellement Charles De Gaulle à Paris. Dulles débute l’entretien en évoquant le projet de complot qu’il avait préparé avec De Gaulle en 1947, manière élégante de rappeler à son interlocuteur des secrets partagés et une relation inégale. Puis, il fait le point de la situation et s’assure que son interlocuteur a bien compris ce que les États-Unis attendent de lui, notamment sur la question nucléaire.

Peu après le retour de Dulles à Washington, le Conseil national de sécurité (NSC) se réunit. Il se félicite de l’arrivée au pouvoir de De Gaulle et du changement de cap qu’il implique. Après audition du rapport du général Lauris Norstadt, le Conseil décide d’aligner la politique de sécurité des États-Unis en Méditerranée sur celle de la France.

Nominations aux postes clés

Le 4 juin, De Gaulle se rend à Alger où, prenant la parole au balcon du Palais du Gouverneur, il adresse aux colons son célèbre « Je vous ai compris ! ». « Dans toute l’Algérie, poursuit-il, il n’y a qu’une seule catégorie d’habitants : il n’y a que des Français à part entière ». À Constantine, il prend explicitement position pour l’Algérie française. Il propose aux nationalistes algériens une « paix des braves » en échange d’un effort de développement pour l’Algérie. Ceux-ci lui répondent depuis Tunis qu’ils se battront jusqu’à l’indépendance et créent un Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) en vue de négocier le retrait des forces coloniales.

Le Comité de Salut public, qui n’a pas disparu pour autant, presse De Gaulle d’instaurer un nouveau régime et exige la suppression des partis politiques. « Le » général, jaloux de ses prérogatives, répond sèchement et hâte l’auto-dissolution du Comité.

Avant de rentrer dans les casernes, les militaires touchent leur dû. Le général-président décrète : « En raison de la situation actuelle et exceptionnelle concernant l’ordre public en Algérie, l’autorité militaire exerce les pouvoirs normalement départis à l’autorité civile ». Le général Raoul Salan est promu délégué général du gouvernement en Algérie. Les différents généraux et colonels impliqués dans le complot du 13 Mai sont nommés aux principaux postes civils en Algérie. Ainsi, le général Jacques Massu est-il nommé préfet d’Alger. Après le général-président, voici donc les généraux-préfets. De « paix des braves », il n’est plus question. Pour mener la guerre à outrance, Salan obtient le crédit pharaonique supplémentaire de cent vingt milliards de francs. Le ministre des Finances, Antoine Pinay, est contraint de lever cinquante milliards d’impôts nouveaux et de lancer un emprunt.

Commentant la stratégie de terreur qui est alors mise en œuvre, le colonel Roger Trinquier déclare à des journalistes américains : « Dites que je suis un fasciste, mais nous devons rendre la population docile, facile à conduire. Nous ne saurions gagner cette guerre à moins d’utiliser des méthodes dures. Il nous faut modifier notre attitude face à cette guerre. Nous devons organiser la population et la maintenir organisée. Les méthodes douces que nous avons appliquées à ce pays ne nous mèneront nulle part » [22].

À Paris, des non-lieux sont prononcés en faveur de tous les factieux poursuivis sous le gouvernement Pflimlin. Pierre Sidos négocie avec Matignon et est discrètement autorisé par le cabinet du Premier ministre à reconstituer Jeune Nation à partir d’une revue homonyme [23]. Pour l’heure, il milite avec Dominique Venner dans le Mouvement populaire du 13 Mai (MP-13) du général Chassin. Cette association, installée au domicile du général de division Jean Vézinet de La Rue, rassemble des personnalités d’extrême droite ayant participé au 13 mai, notamment les comploteurs du « Grand O », et tente de leur faire admettre le leadership de De Gaulle. Le général Vézinet était l’adjoint de Geoffroy Chodron de Courcel au SGPDN.

Le 14 Juillet cesse d’être la fête du Peuple pour devenir celle du Peuple et de l’Armée. Le général Salan est décoré de la médaille militaire, tandis que Jacques Massu est promu général de division. Les parachutistes qui occupèrent le Palais du gouverneur à Alger défilent sur les Champs-Élysées.

André Malraux est nommé ministre du Rayonnement français (sic). Jacques Soustelle devient ministre de l’Information. Il révoque les dix principaux responsables de la Radio Télévision Française (RTF) qu’il remplace par des dirigeants gaullistes. Me Henry Torres, un parent du général Massu, est nommé directeur général. Louis Terrenoire devient directeur des informations et du journal parlé. Tous les journalistes suspectés de sympathie pour le Parti communiste sont mis à pied. Devant la Commission de la presse de l’Assemblée, Jacques Soustelle déclare que les conditions d’une information objective à la RTF sont enfin remplies.

Le préfet de police de Paris, Maurice Papon, organise une répression sans précédent des Arabes et Kabyles vivant dans la capitale. Ainsi, l’AFP indique : « Innovation ce soir : les personnes interpellées sont conduites dans un nouveau centre de triage qui a été aménagé au Vélodrome d’hiver [...] À 3 h du matin, près de deux mille musulmans algériens se trouvaient au Palais des sports. Ce sont comme d’habitude les inspecteurs de la brigade des agressions et violences qui procèdent aux opérations de contrôle. Des fichiers sont constitués par les inspecteurs des Renseignements généraux [...] Des rafles aussi importantes se dérouleront les prochains jours » [24].

L’avènement du nouveau régime

Un Comité d’experts s’attelle à rédiger un projet de Constitution selon les instructions du général-président. Bien que ses travaux ne fassent l’objet d’aucune communication extérieure et donc qu’aucun des éléments de la future Constitution ne soit connu, le général Jacques Massu ouvre la campagne pour sa ratification. Au micro de Radio Alger, il commente : « Le système, ce n’est pas tel ou tel homme, c’est un mode de gouvernement. Le renverser ne consiste pas à remplacer des hommes par d’autres, mais à modifier les structures. Pour l’abattre, il faut essentiellement gagner le référendum ».

Le général-président entreprend une tournée des colonies. Il est accompagné du ministre de la France d’Outre-Mer, Bernard Cornut-Gentille [25]. Partout, il annonce une réorganisation de l’Empire sous la forme d’une « Communauté » dans laquelle chaque territoire sera désormais autonome, à l’instar du self-government dans le Commonwealth britannique.

Selon les actualités télévisées, il est accueilli partout par des foules en liesse qui saluent en lui le visionnaire de Brazzaville. En effet, De Gaulle aurait anticipé la décolonisation de l’Afrique dans un discours de février 1944. La nouvelle Constitution permettrait aux indigènes à la fois de trouver leur liberté et de continuer à profiter de la bienveillance de la France en s’associant avec elle au sein de la Communauté. En réalité, le discours de Brazzaville fut tenu dans le cadre d’une conférence de hauts fonctionnaires dont le relevé des conclusions stipule : « Les fins de l’œuvre de civilisation accomplie par la France dans les colonies écartent toute idée d’autonomie, toute possibilité d’évolution hors du bloc français de l’Empire ; la constitution éventuelle, même lointaine, de self-governements dans les colonies est à écarter ». Quant aux intentions du général-président, elles sont claires : celui qui fut le boucher de Sétif, en mai 1945, est accompagné, tout au long de sa tournée africaine par le général Pierre Garbay, inspecteur général des troupes d’Outre-Mer, qui revendique d’avoir fait massacrer quatre-vingt-neuf mille Malgaches à la suite de l’insurrection du 11 juin 1947. Afin de ne pas contredire les actualités de la RTF, les journalistes dissidents qui suivent le voyage officiel sont interpellés et reconduits en métropole. Les télécommunications sont même interrompues lors de la catastrophique escale guinéenne où la RTF ne peut enregistrer aucune image présentable.

Tout au long de son périple, De Gaulle peut compter sur les applaudissements des bourgeoisies locales devant lesquelles il brandit le spectre du communisme. Simultanément il doit faire face à des manifestations indépendantistes. À Madagascar, il souligne : « Des menaces pèsent sur nous tous : l’anarchie, des rêves de subversion qui précipiteraient le monde dans le chaos. Contre cela, la Communauté est faite aussi ». Dès qu’à une étape, il entreprend des déplacements longs, il doit faire face à des foules scandant « Indépendance ! ». Au stade d’Abidjan, une immense banderole est déployée pendant son discours : « Général De Gaulle, reconnaissez-vous notre indépendance, oui ou non ? ». À Conakry, il essuie un échec cuisant. Au meeting officiel, la foule scande « Indépendance immédiate ! ». Le président Sékou Touré s’adresse sans ambages à son visiteur. « Nous ne renoncerons jamais à notre droit légitime et naturel à l’indépendance [...] Nous préférons la pauvreté dans la liberté à la richesse dans l’esclavage ». De Gaulle accuse le coup et tente un morceau d’éloquence qu’il conclut par « Je crois que la Guinée dira Oui [au référendum]. J’ai dit. Vous réfléchirez ». Aucun applaudissement ne lui répond, seul un long silence glacé.

Le 4 septembre à Paris, le ministre du Rayonnement français, André Malraux, met en scène la propagande du nouveau pouvoir. Un décor de théâtre et des gradins sont installés dans un coin de la place de la République. Cinq mille notables ont été invités à assister à la présentation du projet de Constitution par le général-président. Après la remise de décorations officielles à des Français méritants, André Malraux évoque la Résistance et ressuscite les émissions de la BBC. « Ici Paris, Honneur et Patrie, une fois de plus au rendez-vous de l’Histoire et au rendez-vous de la République, vous allez entendre le général De Gaulle ». Le président du Conseil prend solennellement la parole pour adjurer la Nation d’adopter son projet de Constitution. Le meeting est retransmis en direct par les trois stations de radio nationale et par la télévision, qui a modifié l’horaire de son journal pour l’occasion. Mais à l’extérieur de la place, cent cinquante mille manifestants, répondant à l’appel du Parti communiste, scandent « Non, Non, Non, Non ! » pendant le discours de Malraux. Et lorsque le général-président se hisse à la tribune, une clameur monte des rues avoisinantes : « Le fascisme ne passera pas ! ». La police reçoit l’ordre de disperser la foule. Des centaines de manifestants sont blessés. Aucun bruit n’est parvenu aux auditeurs de la RTF, juste quelques hésitations des orateurs leur auront suggéré des difficultés techniques.

Dès le lendemain, les parlementaires sont invités se positionner ; ce qu’ils font en réaction aux propos de De Gaulle, sans avoir pris connaissance du texte soumis au référendum, qui ne sera diffusé à la presse que le surlendemain. Pierre Mendès-France dénonce le chantage permanent aux paras qui conduit à accepter la nouvelle Constitution sans la discuter, comme a été acceptée précédemment la chute de la IVe République. Il note que le projet distingue le sort de l’Algérie appelée à rester dans la France de celui des territoires d’Outre-Mer, censés devenir autonomes et associés. Surtout, il met en cause le principe du référendum qui exige une réponse binaire et ne permet pas de débattre des nombreuses options contenues dans le projet.

De son côté, le Parti communiste exhume le projet de Constitution élaboré par Philippe Pétain [26] et note avec dégoût les nombreuses similitudes qu’il présente avec le projet De Gaulle.

La radio et la télévision d’État rendent compte en détail de tous les appels au Oui et assimilent le Non à une directive soviétique relayée par le Parti communiste. En dehors de la presse communiste, seule La Dépêche du Midi du sénateur radical Jean Baylet milite pour le Non. Une kyrielle d’associations apparemment différentes fleurit pour soutenir le Oui. La plus tapageuse est l’Association nationale pour le soutien à l’action du général De Gaulle (nouvelle dénomination de l’Association pour l’appel au général De Gaulle dans le respect de la légalité républicaine), animée par les stay-behind Bernard Dupérier et Henri Gorce-Franklin. Elles disposent toutes de temps d’antenne à la RTF et sont coordonnées en sous-main par l’Amicale des anciens des services spéciaux dirigée par le colonel Paul Paillole, l’homme de confiance de Jacques Soustelle. La gauche non-communiste bat en retraite. Derrière Guy Mollet, la SFIO se rallie à De Gaulle, tandis que, derrière Félix Gaillard et le lobby colonial, le parti radical en fait autant, mettant Mendès-France et Baylet en minorité.

En Algérie, le général Raoul Salan supervise « l’Opération Référendum ». Des instructions sont diffusées aux officiers. « Il est inutile d’insister sur l’intérêt vital que représente pour la France le succès du référendum. Son échec compromettrait irrémédiablement la politique de rénovation entreprise depuis le 13 mai. Il importe donc que l’armée, détentrice des pouvoirs civils et militaires en Algérie, entreprenne une vaste campagne de propagande pour obtenir :
- une participation massive au référendum ;
- une très forte majorité de Oui.
[...] pour mettre en condition la population musulmane, il faut surtout créer et développer le mythe De Gaulle » [27].

Toutes les réunions en faveur du Non sont interdites et les matériels électoraux saisis. Lors des opérations de vote, l’armée établit les listes électorales, transporte les populations aux bureaux de vote, tient les urnes, et dépouille les bulletins. La mascarade est complète.

En métropole, la Constitution est approuvée par 79,25% des suffrages exprimés. Dans les colonies, la moyenne est de 94% de Oui. On atteint même 99,99% en Côte-d’Ivoire. Seule ombre au tableau : la Guinée. De Gaulle a décidé de lui donner sa liberté et de lui faire payer cher l’affront qu’elle lui a fait. Ce sera aussi un moyen de dissuader les autres prétendants à l’indépendance. Les élections n’y étant pas contrôlées par l’armée et aucune fraude importante n’ayant été relevée, le Oui n’y remporte que... 4,6%.

Avec l’adoption de la Constitution prennent fin les pleins pouvoirs accordés par la IVe République finissante. Mais, au titre des dispositions transitoires prévues par l’article 92 du nouveau texte, ils sont prolongés pour quatre mois. Le temps nécessaire pour procéder à l’élection du premier président de la Ve République et des nouveaux députés. Un collège de grands électeurs, composé en majorité de notables ruraux, élit Charles De Gaulle à 78%. Pour les législatives, le gouvernement décrète le scrutin majoritaire à deux tours et découpe à son avantage les circonscriptions de sorte qu’un candidat gaulliste a besoin de dix-neuf mille voix pour être élu quand il en faut trois cent quatre-vingt mille à un candidat communiste. Les gaullistes, qui ne recueillaient que 4,42% des voix lors de la consultation précédente, obtiennent 198 députés. La plupart de ceux qui s’étaient opposés à la Constitution sont balayés ; parmi eux, Pierre Mendès-France est battu par un jeune opusien, Rémy Montagne. Les institutions ayant été verrouillées, les pleins pouvoirs peuvent prendre fin.

De Gaulle réorganise son équipe. Michel Debré est nommé Premier ministre ; René Brouillet devient directeur de cabinet du président, tandis que Georges Pompidou passe au Conseil constitutionnel. Geoffroy Chodron de Courcel est nommé secrétaire général de l’Élysée, tandis que le général André Beaufre le remplace à l’OTAN.

Une monarchie élective

Contrairement à ce que prétend l’histoire officielle, la IVe République n’est pas morte d’être trop démocratique, mais de ne pas être assez républicaine. Certes, le harcèlement parlementaire du gouvernement a provoqué une instabilité ministérielle impropre à la conduite de grandes réformes. Il était possible de remédier à ce grave défaut en rééquilibrant les pouvoirs par un simple contrôle de constitutionnalité du règlement interne des Assemblées, mais aucune majorité ne le fit.

Surtout, la IVe République n’a pas su appliquer les principes universalistes dont elle se réclamait. Elle a refusé avec obstination l’égalité en droits des « peuples associés », par exemple en remettant toujours à plus tard la suppression du double collège électoral en Algérie, pourtant annoncée par le Front populaire, en 1936. Elle a craint les résultats du suffrage universel qui seraient advenus si les électeurs français étaient devenus majoritairement non européens. [28]

Au contraire, face à ces contradictions, De Gaulle incarne une cohérence : la domination par la force. Pour maintenir encore le joug français sur les colonisés, il se propose d’exalter le nationalisme et de solder l’idéal universaliste de la République. Pour ce faire, il accorde une complète autonomie à chaque colonie, de sorte que le principe égalitaire en vigueur en métropole puisse cohabiter avec des systèmes discriminatoires variés hors métropole, et que leur exploitation économique puisse perdurer. En outre, il entend liquider la démocratie représentative, le « régime d’Assemblée », qu’il exècre et instaurer un pouvoir personnel. Dans la tradition bonapartiste, il prétend, par sa personne, réconcilier l’inconciliable : le contrat social de la République et la France éternelle de l’Ancien régime. Ainsi ponctue-t-il ses interventions d’un paradoxal « Vive la République ! Vive la France ! ».

Il est objectivement aidé dans son entreprise par les socialistes et les communistes qui, postulant le primat du collectif sur l’individu, ne veulent pas davantage que lui reconnaître l’égale citoyenneté des individus, bien que ce soit au nom du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ».

Comme le notent à l’époque tous les commentateurs, les institutions de la Ve République n’a de républicaine que le nom. On ne voit d’ailleurs pas comment un putsch militaire, ourdi pour renverser une république, pourrait donner naissance à une nouvelle république. Elles consacrent une « monarchie non héréditaire », selon la formule de Mendès-France. Pire, en faisant du président de la pseudo-République, le président de droit de la Communauté, elle le rend personnellement responsable de l’Empire comme les rois des Belges étaient personnellement propriétaires de leurs colonies. En définissant le domaine de compétence de la Communauté, elle définit les pouvoirs du président dans ce que l’on appellera désormais « le domaine réservé ». Ce domaine comprend « la politique étrangère, la défense, la monnaie, la politique économique et financière commune ainsi que la politique des matières premières stratégiques. Il comprend en outre, sauf accord particulier, le contrôle de la justice, l’enseignement supérieur, l’organisation générale des transports extérieurs et communs et des télécommunications. Des accords particuliers peuvent créer d’autres compétences communes ou régler tout transfert de compétence de la Communauté à l’un de ses membres » (article 78).

Un lobbyiste du patronat, Georges Albertini, le stay-behind qui dirige la principale officine anti-communiste en France, intervient auprès de De Gaulle pour faire ajouter une disposition à la Constitution. Elle dispose : « [Les partis et groupements politiques] doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie " (article 4). Elle devrait permettre d’interdire le Parti communiste quand le rapport de force s’y prêtera.

11 mai 2007

La France n'a pas inventé la solution finale ?

En tout cas, elle a inventé les chambres à gaz... Trouvé ici, ce passage qui prouve la grande culture de notre nouveau président de la République :

Après quelques hésitations, la convention avait voté avec enthousiasme le 16 pluviôse an II (4 février 1794) l’abolition de l’esclavage dans toutes les colonies sur proposition de Lacroix, Danton et Levasseur. Il est rétabli par Napoléon le 20 mai 1802. Ce faisant, le premier Consul a répondu à une demande du Sénat et cédé à la pression de sa femme, Joséphine de Beauharnais, née Tascher de la Pagerie, originaire de la Martinique.

Ce rétablissement de l’esclavage va entraîner des manifestations violentes dans les îles des petites Antilles, Guadeloupe et Martinique. Napoléon va combattre violemment cette rébellion avec des méthodes expéditives qui font penser à ce qui se passa un siècle et demi plus tard avec Hitler. Les révoltés étaient entassés dans les soutes des bateaux et on introduisait un gaz à base de soufre. Cette méthode qui était utilisée à l'époque pour désinfecter les navires permit d’éliminer plus de 25000 insurgés dans ce qu’on pourrait appeler « les soutes à gaz ».

Point n’était besoin de four crématoire, les cadavres étaient simplement jetés à la mer. Mais la liquidation du « cheptel contaminé » fut rapidement remplacé par du « cheptel sain » indispensable pour exploiter au mieux les ressources des îles. Le commandant qui dirigeait l’opération fut un des premiers à avoir la Légion d’Honneur.

Merci à Roger Gau pour ce rappel.

10 mai 2007

10 mai

Passons (vite) sur le 26ème anniversaire de l'élection de François Mitterrand...

Revenons juste à la commémoration de l'esclavage, qui a vu la sortie commune de Jacques Menteur Ier et Nicolas Menteur II - vivement Shrek le Troisième...

Un petit rappel d'un discours récent de notre futur président :
"Je veux prendre mes responsabilités. Nous avons eu le tort de trop laisser dénigrer la France, son histoire et son identité.
Je déteste cette mode de la repentance qui exprime la détestation de la France et de son Histoire.
Je déteste la repentance qui veut nous interdire d’être fiers de notre pays.
Je déteste la repentance qui est la porte ouverte à la concurrence des mémoires.
Je déteste la repentance qui dresse les Français les uns contre les autres en fonction de leurs origines.
/.../
Je suis de ceux qui pensent que la France n’a pas à rougir de son histoire. Je voudrais rappeler à tous ses détracteurs que la France n’a pas commis de génocide. Elle n’a pas inventé la solution finale. La France a inventé les droits de l’Homme et est le pays au monde qui s’est le plus battu pour la liberté du monde. Voilà ce qu’est l’histoire de la France"
Aurait-il encore changé ?

9 mai 2007

Le temps des cerises

Un très beau texte de Thierry Pelletier, que je ne résiste pas à vous redonner ici :

Le temps des cerises

Plus de télé, ça fait du bien ! Internet en carafe, l'ADSL a souvent bien du mal à escalader nos collines, du taf par dessus la tête dans ma cambuse, tout ça m'a permis d'échapper au mauvais feuilleton. Depuis mardi soir je suis à nouveau connecté, de nouveau au jus.

Alors comme ça, il a dîné au Fouquet's, mis les voiles vers Malte (la Sicile ça aurait été plus drôle), sur le grand pédalo de son copain Bolloré ? Et alors, ça vous étonne ? Une telle vulgarité, un foutage de gueule d'une telle franchise, c'est sympa, ça rappelle, toutes proportions gardées, les Goncourt qui ripaillaient pendant le siège de Paris, et puis ça va faire baver d'envie et d'admiration tous ces «citoyens» qui avalent le cirque médiatico-politique, comme on dévore Gala.

Ça a pété dès le premier soir, méchamment prévisible, ça aussi ! L'electorat UMP-TF1 est conforté dans son choix, les «racailles» seront une nouvelle fois pointés du doigt, on dénoncera les casseurs, la gauche «responsable» ne sera pas en reste, c'est pas nous M'sieur ! C'est les gauchisses !
Innénarables socialistes, toujours aussi occupés à singer l'homme du Medef, à pédaler dans la relance, la consommation, le sécuritaire et le patriotard. Cambadélis monte au créneau pour «construire un socialisme du réel». Si le réel c'est un monde gouverné par des parrains qui nous donnent des leçons d'intégrité, il est bien l'homme de la situation, ce repris de justesse ! Les comiques troupiers de la «gauche radicale», les farceurs des fameux «collectifs citoyens» vont se tirer la bourre de plus belle, organiseront leurs meetings dans des cabines téléphoniques, s'il en reste.
Les syndicats "représentatifs"riposteront au démantèlement de ce qui reste du service public, aux restrictions du droit de grève, par d'impressionnantes processions moutonnesques, journées d'action avec mégaphones lambadesques, lâchers de ballons et courses cyclistes.

Tout cela est fort bien ! L'effondrement définitif de la gauche pétitionnaire, le renforcement exponentiel des effectifs policiers, les cadeaux au Medef, la criminalisation de pauvres de plus en plus pauvres et de plus en plus nombreux, l'arrogance des gavés, ça va pas être rigolo tous les jours, mais ça aura au moins le mérite de déssiller pas mal de mirettes. De plus en plus de gens vont définitivement se désintéresser du grotesque barnum médiatico-politique, de nouvelles solidarités vont se développer et les réactions tout simplement humaines et spontanées, face à l'innommable, comme celle des parents d'élèves de l'école de la rue Rampal vont se multiplier.

Je vous quitte, il faut que j'aille chercher des bocaux en verre à la déchetterie pour mes confitures, c'est bientôt le temps des cerises.

8 mai 2007

Parents irresponsables !

Si ce n'est pas malheureux, ces parents qui font manquer l'école à leur fils pour un week-end prolongé (1) ! Bel exemple d'incivisme. J'espère que la DDASS va être prévenue (2) ! Et qu'on va leur sucrer les allocs !

Ah ! Heureusement qu'Il (3) va remettre de l'ordre dans tout ça !


(1) Sur un yacht au large de Malte
(2) Je sais, ça ne s'appelle plus comme ça officiellement, mais tout le monde dit toujours la DDASS
(3) Faute de talonnette au clavier, je mets une majuscule, n'y voyez aucune déification

7 mai 2007

Les Français ne sont pas des paresseux

C'est une tribune de Guillaume Duval, rédacteur en chef d'alternatives économiques, parue aujourd'hui dans Libération.

Attention, si l'on en croit Arno Klarsfeld, l'un des partisans les plus enthousiastes de M. de Petit Botcha, Libération est un journal qui a gravement lésé le nouveau Président de la République... (je sais, je l'ai vu hier soir sur M...6, dans la future ex émission de M. Fogiel, cet impertinent qui ose demander à Mme Morana de répondre à ses questions)
Que ceux qui craignent d'être inquiétés pour avoir lu ce quotidien cessent immédiatement de lire ce texte !

Ce texte, le voici :

Il faut, paraît-il, «réhabiliter la valeur travail». Nicolas Sarkozy en a fait le thème central de sa campagne victorieuse. Il considère manifestement que la paresse actuelle des Français est la cause principale des difficultés que rencontre le pays. Il s'agit là pourtant d'une contrevérité qui aurait dû en bonne logique lui coûter l'élection tant le propos est insultant à l'égard des 22,5 millions de salariés, qui travaillent dur chaque jour, et des 2 millions de chômeurs, qui aimeraient pouvoir en faire autant.
Rien n'est plus faux en effet que ce préjugé tenace d'une France paresseuse : les salariés français figurent au contraire parmi les plus productifs au monde. Selon les chiffres du Bureau des statistiques du travail (BLS), un Français qui occupe un emploi avait produit 71 900 dollars de richesses en moyenne au cours de l'année 2005. C'est certes moins que les 81 000 dollars produits par l'employé américain moyen, mais significativement plus que les 64 100 dollars d'un Anglais, les 59 100 d'un Allemand ou les 56 300 dollars d'un Japonais... Et même en matière de temps de travail, si Nicolas Sarkozy ne se contentait pas de répéter les poncifs que lui soufflent ses amis chefs d'entreprise, il saurait que les salariés français ne sont pas, et de très loin, ceux qui travaillent le moins en Europe. Selon Eurostat, l'organisme statistique officiel de l'Union, un salarié français travaillait en moyenne 36,4 heures par semaine au troisième trimestre 2006. Contre 36,1 dans l'ex-Union à quinze pays. Les Français travaillent presque aussi longtemps que les Anglais (36,5 heures) et significativement plus que les Danois (34,6 heures) dont le modèle social est si envié, ou que les Allemands (34,5 heures) champions du monde de l'exportation. Sans parler des Néerlandais qui ne restent en moyenne que 29,8 heures au travail chaque semaine. Dans l'ex-Europe à quinze, c'est en Grèce (39,9 heures) et au Portugal (39,2 heures) qu'on travaille le plus longtemps. Rattraper la Grèce et le Portugal, est-ce cela l'ambition de Nicolas Sarkozy pour l'économie française ?
Contrairement à ce que laisse entendre le nouveau président de la République, les salariés français ne sont donc pas des paresseux ni les chômeurs de l'Hexagone des profiteurs. Pour autant, il ne fait guère de doute que les entreprises françaises rencontrent des difficultés importantes. Elles sont souvent à la peine sur les créneaux high-tech en expansion et s'en sortent nettement moins bien sur le marché mondial que les entreprises allemandes. Et cela bien que le travail soit sensiblement plus cher outre-Rhin : 33 dollars de l'heure en 2005 pour un ouvrier de l'industrie contre 24,6 en France selon les chiffres du BLS. Si la paresse des salariés n'est pas en cause, ni le coût de leur travail, est-ce que les raisons de ces difficultés ne seraient pas à chercher plutôt en priorité du côté de la tête des entreprises ? Du côté de la faible qualité de leurs dirigeants et de l'inefficacité de leurs modes de gestion ? Quand on observe, par exemple, le gigantesque gâchis que l'incurie d'un Arnaud Lagardère, actionnaire de référence, combinée à la soif de pouvoir d'un Noël Forgeard, a provoqué au sein d'Airbus, on se dit en effet que c'est surtout au niveau de ses élites économiques, de leur recrutement et de leurs habitudes de fonctionnement, que l'économie française aurait besoin d'une «rupture».
J'avoue avoir eu un frisson lors du débat pour le second tour, quand j'ai entendu M. de Petit Botcha parler des fonctionnaires comme "un coût". La moindre humanité aurait consisté à dire que leur travail rendait un service à la collectivité... mais on est là dans les dépendances du Medef, qui présente le salariat comme une charge, jamais comme un atout, ou comme une force essentielle...

Enfin, pour ce qui est de se lever tôt pour aller travailler, je n'ai jamais pris un train de banlieue aussi silencieux, aussi morose, aussi résigné...

6 mai 2007

Son altesse le bourreau

Une chanson de Karel Kryl :

V ponurém osvětlení
gotického sálu
kupčíci vyděšení
hledí do misálů
a houfec mordýřů
si žádá požehnání
Vždyť prvním z rytířů
je veličenstvo Kat

Kněz - Ďábel co mši slouží
z oprátky má štólu
Pod fialovou komží
láhev vitriolu
Pach síry z hmoždířů
se valí k rudé kápi
prvního z rytířů
Hle - veličenstvo Kat

Na korouhvi státu
je emblém s gilotinou
Z ostnatého drátu
páchne to shnilotinou
V kraji hnízdí hejno krkavčí
Lidu vládne Mistr Popravčí

Král klečí před Satanem
Na žezlo se těší
A lůza pod platanem
Radu Moudrých věší
a zástup kacířů
se raduje a jásá
že prvním z rytířů
je veličenstvo Kat

Na rohu ulice
vrah o morálce káže
Před vraty věznice
se procházejí stráže
Z vojenských pancířů
vstříc černý nápis hlásá
že prvním z rytířů
je veličenstvo Kat

Nad palácem vlády
ční prapor s gilotinou
Děti mají rády
kornouty se zmrzlinou
Soudcové se na ně zlobili
Zmrzlináře dětem zabili

Byl hrozný tento stát
když musel jsi se dívat
jak zakázali psát
a zakázali zpívat
a bylo jim to málo
Poručili dětem
modlit se jak si přálo
veličenstvo Kat

S úšklebkem Ďábel viděl
pro každého podíl
Syn otce nenáviděl
Bratr bratru škodil
Jen motýl Smrtihlav
se nad tou zemí vznáší
kde v kruhu tupých hlav
dlí - veličenstvo KAT.

5 mai 2007

Voter pour Ségolène Royal, contre Nicolas Sarkozy

Parce que M. Sarkozy est le président de l'UMP, parti au pouvoir qui depuis 5 ans :
  • n'est parvenu à réduire le chômage qu'en trafiquant les chiffres, malgré la conjoncture favorable
  • a augmenté la pauvreté et la précarité, avec des contrats de type CNE
  • a encouragé la spéculation immobilière, provoquant une chute encore plus lourde du pouvoir d'achat (que reste-t-il une fois payé le loyer ou le crédit de la maison ?)
  • a provoqué une augmentation de la violence et des incivilités tout en encourageant les bavures policières
  • a augmenté considérablement les impôts en transférant aux régions de nombreuses dépenses sans transférer les recettes fiscales correspondantes
  • n'a globalement rien réformé, malgré une majorité absolue à l'Assemblée Nationale et au Sénat

Parce que c'est un menteur, et que contrairement à son prédécesseur Chirac, il a repris les idées nauséabondes de M. Le Pen.

4 mai 2007

Sarkozy, l'homme qui a contaminé les policiers

Nos forces de l'ordre semblent avoir perdu leur raison et leur sang-froid, à l'instar de leur ex-ministre et candidat...

Lu dans Libé :

Invitée à un colloque, elle atterrit en centre de rétention

Une Malienne, médecin et spécialiste du sida, a subi trente
heures d'arrestation alors qu'elle arrivait à Paris pour une rencontre
scientifique

Par Eric FAVEREAU
Vendredi 4 mai 2007

C'est la chronique peu ordinaire d'une passagère africaine arrivant à l'aéroport de Roissy. Et embarquée, alors que tout est en règle, dans un épisode digne de Kafka. «C'est terrifiant de ce que cela peut révéler.» Tant Bernard Kouchner, ex-ministre, que Gilles Brücker, directeur de l'Institut de veille sanitaire et fondateur de l'association Solthis, ou Christine Katlama, professeure, spécialiste des maladies infectieuses, se disent abasourdis par ce témoignage. Au point de s'associer pour réagir.
Au départ, voilà une jeune femme présentant parfaitement bien : médecin, spécialiste du sida au Mali. Le mois dernier, elle est invitée, comme cela lui arrive souvent, à participer à un colloque scientifique sur le sida, à Paris, présidé par Christine Katlama. Il s'agit d'une rencontre très officielle puisque, en ouverture de ladite conférence, a été lu un message de bienvenue de Jacques Chirac. «Le 29 mars 2007, raconte ce médecin (1), j'atterris à 6 h 20 à l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle. Au poste de contrôle de police, je suis arrêtée par un policier, sans aucun motif. Il m'amène dans un petit bureau où se trouvent d'autres policiers et des passagers. Il me fait attendre pendant trois heures. Sans un mot. Deux jeunes policières me fouillent ensuite dans les toilettes et, sans explication, me prennent tous mes papiers. Je leur explique, pourtant, le motif de mon voyage, mais elles ne me répondent pas.» Ensuite ? «Un autre policier m'ordonne de signer des papiers sur lesquels est écrit : "Refus d'entrée".» La raison ? «Il me dit que ma date de retour dépasse celle du séjour qui figure sur le visa, et que je ne suis pas inscrite pour la prétendue conférence. Je leur explique que dans mon pays, le Mali, il faut présenter un billet d'avion de retour au consulat de France pour obtenir un visa d'entrée, que la Société Bristol-Myers Squibb, qui a pris mon billet, l'a laissé ouvert jusqu'à un mois, et que, lorsque j'ai obtenu un visa de sept jours, j'ai raccourci mon séjour en France, et qu'enfin, les inscriptions définitives à la conférence se font sur place.» Bref, tout est clair et il n'y a aucune embrouille. «Mais ils n'ont rien voulu comprendre, ils m'ont enfermée dans une petite pièce. On ne pouvait pas se tenir assis, et on m'a dit que je prendrai le vol Air France du même après-midi sur Bamako... J'ai dit aux policiers que j'avais de la famille à Paris. Ils m'ont transférée au centre de rétention de l'aéroport, où je suis restée quatre heures, sans accès à une chambre. Dans l'après-midi, trois policiers sont venus me chercher, m'ont ramenée à l'aéroport pour l'embarquement. Arrivée au contrôle de police des frontières, j'ai cherché à voir un officier de police. Par chance, l'un d'eux s'est arrêté pour écouter mon histoire, et m'a donné raison. Il m'a dit de ne pas embarquer. Il a ordonné aux policiers de mettre un téléphone à ma disposition pour appeler ma famille à Paris et en Afrique.» La mésaventure ne s'arrête pas là. «J'ai pu appeler mon mari, qui a ensuite avisé sa soeur puis notre beau-frère à Paris. Ils sont immédiatement venus à l'aéroport.» Mais ces derniers n'ont pu la rencontrer, l'heure des visites étant dépassée. «Le lendemain matin, mon beau-frère et ma belle-soeur se sont présentés au centre de rétention pour me faire sortir. On nous a fait savoir que mes papiers étaient restés à l'aéroport et qu'il n'y avait au centre aucun officier disponible pour prendre une décision. Après deux heures d'attente, un officier s'est présenté à nous. Mon beau-frère, avec ses décorations de Légion d'honneur et du mérite, s'est porté garant et a demandé au comité d'organisation de la conférence de faxer à la police une copie de mon inscription... C'est comme cela que j'ai retrouvé ma liberté, après plus de trente heures de rétention.» Un détail, encore : «Les policiers qui m'ont reconduite du centre de rétention au poste de police du terminal, visiblement déçus de me voir revenir pour une libération et pas pour un rembarquement, ont conspué leurs collègues du centre de rétention, accusés de faiblesse.» Une bévue ? Une pratique bureaucratique courante ? Un zèle déplacé ? «Il n'y a pas mort d'homme, ni violence, mais c'est ahurissant, réagit avec force Bernard Kouchner. Pour un témoignage ainsi recueilli, combien d'autres jamais révélés ?» Et pour ces trois médecins, une interrogation nouvelle : «Peut-on, aujourd'hui, continuer à inviter nos collègues médecins africains à des échanges scientifiques à Paris si nous les exposons à trente heures de rétention, à des mesures d'expulsion, à des humiliations de toutes sortes ?»
(1) Elle préfère ne pas être identifiée.

3 mai 2007

Sarkozy, candidat des vieux inactifs ?

J'ai été surpris par cet article, d'autant que lors du débat du second tour, il a affirmé que "la loi Fillion permettait de garantir les retraites jusqu'en 2020". Et après ? C'est que moi, je la prendrai normalement 2 ou 3 ans après cette date... Heureusement qu'il affirme péremptoirement connaître ses dossiers...

Je vous donne l'article, je crois quand même nos anciens suffisamment doués de raison pour ne pas commettre (tous) l'irréparable...

L’enquête menée par IFOP pour le JDD et M6 sur les intentions de vote au deuxième tour donne gagnant Nicolas Sarkozy, avec 52,5% (-1,5%) contre 47,5 (+1,5) pour Ségolène Royal, avec 9% d’indécis. Le résultat le plus surprenant de cette étude ne tient pas à ce chiffre, mais au détail de la répartition des votes par tranches d’âges. En effet Ségolène Royal arrive en tête des intentions de votes dans toutes les classes d’âges situées en dessous de 65 ans. Si le candidat de l’UMP parvient tout de même en tête c’est qu’il fait un tabac chez les retraités, avec un score atteignant 75% qui lui permet de combler son retard.

Ventilation par classe d’âge du vote Royal :
18/24 ans 53%
25/34 ans 54%
35/49 ans 56%
50/64 ans 51%
65 ans et plus 25%

Voila donc une réalité sociologique inattendue : c’est le vieillissement de la population qui tire le corps électoral français vers la droite. D’où très certainement la logique d’avoir tapé sur Mai 68, une période sans intérêt pour nous, Ségolène Royal ou Nicolas Sarkozy, mais un moment fondateur pour tous ces vieux qui se sont fait peur à cette époque. Ainsi, loin d’être le candidat du travail et des forces vives comme son discours volontariste semble l’affirmer, Nicolas Sarkozy serait en fait celui de l’inquiétude et des peurs ressenties par une population vieillissante, devant une modernité qui la bouscule et qu’elle refuse.

Ainsi, malgré 5 années de propagande Sarkoziste avec l’aide massive de la plupart des médias, Ségolène Royal serait majoritaire dans le pays dans toutes les catégories d’age de 18 à 64 ans !!!!!!!!
Ainsi, tous les efforts des militants, des sympathisants, la mobilisation d’une partie des abstentionnistes le 22 avril se heurte à cet implacable constat : les trois quarts des seniors de plus de 65 ans ruineront tout espoir de victoire !!!

Avec une préférence de 55 ou 60% pour Sarkozy, cette catégorie des « plus de 65 ans » n’aurait pas pu faire basculer l’élection. Mais avec 75%, chiffre considérable, c’est toutes les intentions de vote des moins de 65 ans en faveur de Ségolène Royal qui sont laminées.

Comment se fait-il que personne n’en parle !!! On peut comprendre l’UMP qui n’a aucun intérêt à ébruiter une telle étude !!! Minoritaire chez tous les moins de 65 ans !! Une information des plus désagréable ! Un échec cuisant ! Il faudra sérieusement se pencher sur la question à court et moyen terme, afin de se rapprocher de cette tranche d’age pour expliquer, rassurer, rétablir certaines vérités.

A moins que tous les enfants et petits-enfants favorables à Ségolène Royal n’appellent leurs parents ou grands-parents avant dimanche 6 mai pour tenter de les raisonner, l’élection est perdue.

En attendant, une seule solution : Une mobilisation sans précédent de la part des abstentionnistes, votes blancs et votes nuls qui devront faire un effort considérable pour simplement rééquilibrer les choses.

Faites circuler cette information autour de vous, et tentons tous de les convaincre autour de nous, autant que faire se peut, au nom de cette terrible et injuste pénalité infligée aux 18-64 ans opposés à Sarkozy. Source : http://contreinfo.info/article.php3?id_article=916

Menteur II

Sans commentaire...

La désinformation économique joue un rôle majeur dans l’élection
française
,

par Mark Weisbrot - Center for Economic and Policy
Research.

3 mai 2007

L’élection présidentielle française montre avec force comment une analyse
économique erronée, et des problèmes d’arithmétique plus généraux, peut
déterminer les idées et même l’avenir non seulement d’un pays mais d’un
continent.
Les Etats-Unis ont fait face à une situation similaire lors du débat sur les retraites, où une majorité d’américains a été convaincue - par une tromperie autant verbale que comptable - que le système de retraite allait faire face à de sérieux problèmes financiers quand la génération du « baby boom » allait partir à la retraite. Ce qui est faux !

Le thème général de la campagne de Nicolas Sarkozy qui l’a propulsé en tête à l’issue du premier tour est que l’économie française serait d’une certaine façon « bloquée » et aurait besoin d’être réformée pour se rapprocher de celle des Etats-Unis. Il est également très largement admis que la France aurait besoin de devenir plus « compétitive » dans l’économie mondialisée, la concurrence étant devenue plus rude dans ce monde globalisé.

L’éditorialiste du New York Times Thomas Friedman est le principal défenseur de la thèse selon laquelle les travailleurs français doivent baisser leur niveau de vie à cause de la globalisation de l’économie. « Toutes les forces de la mondialisation
s’attaquent aux états-providence européens » dit-il. « Les français essaient de préserver une semaine de 35 heures dans un monde où les ingénieurs indiens sont prêts à faire des journées de 35 heures ». Pour Friedman et autres « experts », c’est impossible.

Il est important de comprendre qu’il n’y a aucune logique économique derrière l’argumentaire selon lequel les citoyens d’un pays riche doivent réduire leur niveau de vie ou subir une baisse des programmes sociaux gouvernementaux à cause des progrès économiques des pays émergents. Quand un pays développé a atteint un certain niveau de productivité, il n’y a aucune raison économique devant obliger ses
citoyens à baisser leurs salaires ou acquis sociaux, ou à les faire travailler plus, parce que d’autres pays sont en train de rattraper leur retard. Cette productivité -fondée sur le savoir-faire collectif du pays, sa compétence, sa capitalisation, et son organisation économique - demeure, et augmente même chaque année. La circonstance que la concurrence internationale est utilisée comme excuse par des groupes défendant des intérêts particuliers pour baisser le niveau de vie des travailleurs français, allemands ou américains - ce qui est le cas - démontre que les règles du commerce internationale ne sont pas écrites par les bonnes personnes. Cela révèle un déficit démocratique et non un problème inhérent au progrès économique.

Une autre erreur souvent faite dans ce débat est de comparer le revenu français par habitant à celui des Etats-Unis, une comparaison qui désavantage la France : $30.693 contre $43.144 pour les Etats-Unis (ajusté pour établir une parité entre les pouvoirs d’achat). Mais cette comparaison est injuste parce que les français travaillent moins d’heures que les américains. Les économistes ne disent jamais qu’une personne est moins bien lotie qu’une autre si elle gagne moins parce qu’elle travaille moins. Un meilleur indicateur du bien-être économique, si l’on doit faire une comparaison, est donc la productivité. Or, elle est aussi forte, voire plus forte, en France qu’aux Etats-Unis.

Il convient à ce stade de faire un peu d’arithmétique sur le fort taux de chômage en France chez les jeunes, lequel a déterminé la politique française et influencé l’opinion mondiale durant les émeutes des banlieues en 2005. La méthode standard de mesure des taux de chômage place les chômeurs dans le numérateur, et les chômeurs plus les non chômeurs dans le dénominateur (c/c+nc). Par cette méthode, les français mâles âgés de 15 à 24 ans ont un taux de chômage de 20,8%, comparé à 11,8% aux Etats-Unis. Mais cette différence est principalement due aux fait qu’en France il y a proportionnellement beaucoup plus de jeunes hommes absents du marché du travail - parce qu’un plus grand nombre d’entre eux sont étudiants et que les jeunes en France travaillent beaucoup moins à mi-temps quand ils font leurs études que les jeunes américains. Ceux qui sont absents du marché du travail ne sont comptés ni dans le numérateur ni dans le dénominateur des taux de chômage.

Une meilleure façon de comparer consiste donc à prendre le nombre de chômeurs et de le diviser par la population dans la tranche d’âge 15 à 24 ans. On obtient alors
un taux de chômage américain de 8,3% contre 8,6% pour les français. On voit que
les deux pays ont un sérieux problème de chômage chez les jeunes, lequel se
concentre par ailleurs dans les minorités ethniques. Mais le problème n’est pas
sensiblement pire en France qu’aux Etats-Unis.

Nicolas Sarkozy propose de rendre les licenciements plus faciles, de baisser les impôts (y compris ceux frappant les successions), de revenir en fait sur la semaine de 35 heures, ainsi que d’autres mesures qui favoriseront les salariés à revenus élevés et les chefs d’entreprises. Ces mesures redistribueront les revenus vers le haut, comme cela est le cas aux Etats-Unis depuis plus de 30 ans. Mais, encore une fois, il y a peu ou pas de preuves économiques que ces mesures créeront des emplois ou de la croissance.
Ségolène Royal propose quant à elle une série de mesures pour stimuler la demande à travers toute l’économie - y compris une augmentation du
salaire minimum, des allocations de chômage et la création d’emplois publics.
Tout ceci a un sens économique, puisque les mesures de madame Royal offrent au
moins la possibilité - principalement en stimulant la demande dans son ensemble
et le pouvoir d’achat des consommateurs - de créer des emplois.
Si, par cette élection, la France marque un tournant historique vers la droite, ce sera dû principalement à de la désinformation économique.

(Mark Weisbrot est Co-Directeur du “Center for Economic and Policy
Research”, à Washington. )