4 mai 2007

Sarkozy, l'homme qui a contaminé les policiers

Nos forces de l'ordre semblent avoir perdu leur raison et leur sang-froid, à l'instar de leur ex-ministre et candidat...

Lu dans Libé :

Invitée à un colloque, elle atterrit en centre de rétention

Une Malienne, médecin et spécialiste du sida, a subi trente
heures d'arrestation alors qu'elle arrivait à Paris pour une rencontre
scientifique

Par Eric FAVEREAU
Vendredi 4 mai 2007

C'est la chronique peu ordinaire d'une passagère africaine arrivant à l'aéroport de Roissy. Et embarquée, alors que tout est en règle, dans un épisode digne de Kafka. «C'est terrifiant de ce que cela peut révéler.» Tant Bernard Kouchner, ex-ministre, que Gilles Brücker, directeur de l'Institut de veille sanitaire et fondateur de l'association Solthis, ou Christine Katlama, professeure, spécialiste des maladies infectieuses, se disent abasourdis par ce témoignage. Au point de s'associer pour réagir.
Au départ, voilà une jeune femme présentant parfaitement bien : médecin, spécialiste du sida au Mali. Le mois dernier, elle est invitée, comme cela lui arrive souvent, à participer à un colloque scientifique sur le sida, à Paris, présidé par Christine Katlama. Il s'agit d'une rencontre très officielle puisque, en ouverture de ladite conférence, a été lu un message de bienvenue de Jacques Chirac. «Le 29 mars 2007, raconte ce médecin (1), j'atterris à 6 h 20 à l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle. Au poste de contrôle de police, je suis arrêtée par un policier, sans aucun motif. Il m'amène dans un petit bureau où se trouvent d'autres policiers et des passagers. Il me fait attendre pendant trois heures. Sans un mot. Deux jeunes policières me fouillent ensuite dans les toilettes et, sans explication, me prennent tous mes papiers. Je leur explique, pourtant, le motif de mon voyage, mais elles ne me répondent pas.» Ensuite ? «Un autre policier m'ordonne de signer des papiers sur lesquels est écrit : "Refus d'entrée".» La raison ? «Il me dit que ma date de retour dépasse celle du séjour qui figure sur le visa, et que je ne suis pas inscrite pour la prétendue conférence. Je leur explique que dans mon pays, le Mali, il faut présenter un billet d'avion de retour au consulat de France pour obtenir un visa d'entrée, que la Société Bristol-Myers Squibb, qui a pris mon billet, l'a laissé ouvert jusqu'à un mois, et que, lorsque j'ai obtenu un visa de sept jours, j'ai raccourci mon séjour en France, et qu'enfin, les inscriptions définitives à la conférence se font sur place.» Bref, tout est clair et il n'y a aucune embrouille. «Mais ils n'ont rien voulu comprendre, ils m'ont enfermée dans une petite pièce. On ne pouvait pas se tenir assis, et on m'a dit que je prendrai le vol Air France du même après-midi sur Bamako... J'ai dit aux policiers que j'avais de la famille à Paris. Ils m'ont transférée au centre de rétention de l'aéroport, où je suis restée quatre heures, sans accès à une chambre. Dans l'après-midi, trois policiers sont venus me chercher, m'ont ramenée à l'aéroport pour l'embarquement. Arrivée au contrôle de police des frontières, j'ai cherché à voir un officier de police. Par chance, l'un d'eux s'est arrêté pour écouter mon histoire, et m'a donné raison. Il m'a dit de ne pas embarquer. Il a ordonné aux policiers de mettre un téléphone à ma disposition pour appeler ma famille à Paris et en Afrique.» La mésaventure ne s'arrête pas là. «J'ai pu appeler mon mari, qui a ensuite avisé sa soeur puis notre beau-frère à Paris. Ils sont immédiatement venus à l'aéroport.» Mais ces derniers n'ont pu la rencontrer, l'heure des visites étant dépassée. «Le lendemain matin, mon beau-frère et ma belle-soeur se sont présentés au centre de rétention pour me faire sortir. On nous a fait savoir que mes papiers étaient restés à l'aéroport et qu'il n'y avait au centre aucun officier disponible pour prendre une décision. Après deux heures d'attente, un officier s'est présenté à nous. Mon beau-frère, avec ses décorations de Légion d'honneur et du mérite, s'est porté garant et a demandé au comité d'organisation de la conférence de faxer à la police une copie de mon inscription... C'est comme cela que j'ai retrouvé ma liberté, après plus de trente heures de rétention.» Un détail, encore : «Les policiers qui m'ont reconduite du centre de rétention au poste de police du terminal, visiblement déçus de me voir revenir pour une libération et pas pour un rembarquement, ont conspué leurs collègues du centre de rétention, accusés de faiblesse.» Une bévue ? Une pratique bureaucratique courante ? Un zèle déplacé ? «Il n'y a pas mort d'homme, ni violence, mais c'est ahurissant, réagit avec force Bernard Kouchner. Pour un témoignage ainsi recueilli, combien d'autres jamais révélés ?» Et pour ces trois médecins, une interrogation nouvelle : «Peut-on, aujourd'hui, continuer à inviter nos collègues médecins africains à des échanges scientifiques à Paris si nous les exposons à trente heures de rétention, à des mesures d'expulsion, à des humiliations de toutes sortes ?»
(1) Elle préfère ne pas être identifiée.

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