28 juillet 2013

Lionel Asbo, l'état de l'Angleterre (Martin Amis)

Quel livre !

(Je l'ai terminé ce matin et lui ai recommandé. Elle l'a commencé aujourd'hui. Le couperet est vite tombé: "Glauque".)

Martin Amis ne fait pas dans la dentelle, la traduction est relativement fidèle, même si le titre-même, qui fait référence au discours annuel devant les députés britanniques, écrit par le premier ministre et prononcé par la reine, aurait mérité mieux, ou tout au moins une notule...

La description de la low society britannique contraste fort avec l'image qu'Albion persiste à vouloir donner à l'extérieur, mais ce problème d'image, nous l'avons partout dans le monde, dans cette société d'apparences à laquelle nous devons nous plier un minimum pour éviter à nos enfants de se sentir humiliés par leurs cruels camarades de classe, eux-mêmes préformatés.

Mais je divague. Lionel Asbo, ce n'est pas le personnage principal du livre (c'est plutôt son neveu Desmond Pepperdine, qui n'a pas, lui, trouvé son patronyme ridicule au point d'en changer...) mais c'est au moins le personnage central. Délinquant violent (cette violence est suffisamment exposée et encore plus sous-entendue dans le livre qu'il n'est pas nécessaire d'en rajouter...) qui finit par gagner au loto de quoi mener un train de vie de riche anglais...

Le reste, c'est la narration de la transformation de Des d'un adolescent ignare et abusé (je passe sur les détails) en un père de famille, de la classe moyenne, qui doit pourtant, dans le tout petit appartement qu'il occupe dans son quartier défavorisé, ne pas toucher à la pièce réservée à son oncle Lionel.

À lire. Je préfère la couverture de la version anglaise, qui rappelle les tabloïds de bas étage si populaires dans ce pays.

Pour terminer, une illustration parue dans The Telegraph avec quelques bonnes feuilles de ce roman...


So do the 30ft steel walls which now gird the 10-acre garden. And the local children are said to be terrified of the two furious pitbulls, Jek and Jak, who are taken on daily tours, or aggressive inspections, of the village.

Who, after all, would welcome the influx of the usual rabble that bob along in the slipstream of fame and money? Parasites and predators, and all the “Threnody” stalkers and lookalikes.

Local rumour has it, by the way, that “Jek” refers to Jekyll and Hyde, whilst “Jak” alludes to Jack the Ripper. But this sounds a bit too “erudite” for the East End “eejit”. More likely, “Jek” and “Jak” are garbled versions of “Juke” and “Jyke”, the names fished out of a hat by Asbo’s companion, “Threnody”, for the orphaned Somalian twins she long ago stopped sponsoring.

What you sense, in the end, is a feeling of general hurt and dismay. A sense that these orderly rural lives are somehow travestied by the intrusion of the jackpot jailbird, Lionel Asbo.

My photographer, the Sun’s Chris Large (one of the three journalists brutalised by Asbo in August 2009), asks the picketers for leave to ring the buzzer and announce our arrival.

Wearing a blue silk dressing gown and, of all things, mid-calf snakeskin boots, Asbo walks briskly up the drive. He welcomes Chris and myself most cordially, then endures a brief heckling from the petitioners at the gates.

“You know what I got, Daph?” he says. “Neighbours from hell.”

This remark intrigues me. I have come here with an “open mind” – after all, you can’t believe everything you read in the papers! And I ask him, as we walk down the drive, passing the famous Bentley “Aurora”, “Weren’t you a neighbour from hell, Lionel? Back in Diston?”
 
“Me? Never. Except when I was a kid. You don’t want to be a neighbour from hell, Daph,” he confides. “That’s lower class.”

À lire, definitely.

22 juillet 2013

La honte

Quand le maire d'une grande ville, prétendûment démocrate (c'est ce que signifie le "D" dans "UDI", son "parti politique" où il côtoie M. Borloo et M. Morin, entre autres) tient des propos aussi haineux sur les Roms, j'ai honte.

Devant le silence assourdissant des admirateurs du régime fasciste de Netanyahu, pourtant si prompts à se poser en descendants d'autres victimes du nazisme, j'ai honte.

Samudaripen, ou Porajmos. On sait, on savait, n'oublions jamais, et faisons en sorte que plus jamais cela.


Monsieur Bourdouleix, disparaissez.

16 juillet 2013

Adriano Gonçalves "Bana"

Après Cesaria Evora, une deuxième grande voix capverdienne vient de s'éteindre. Mais sa musique reste vivante...



Dans la chaleur de l'été et le froid de ma solitude, du baume au cœur.

14 juillet 2013

Usurpations (Le dépassement de soi, par Del Debbio)

En marge de l'accident tragique de Brétigny-sur-Orge, un texte passionnant de Del Debbio sur les pratiques liées à la généralisation des pico-ordinateurs portables (appelés vulgairement smartphones).
Prenez deux jeunes lambda qui sont plus ou moins régulièrement présents sur Twitter.
À ma gauche, Roby, pseudonyme de Robin, presque 12000 tweets à son actif et quelque 391 abonnés (on dit « followers »).
À ma droite, Aicha Kurdish, également un pseudonyme, je suppose, avec près de 2400 tweets et 250 abonnés.
Habituellement, Roby et Aicha postent sur leur compte Twitter de très intéressantes photos de nourriture, de voitures et d’objets divers.
Ce vendredi 12 juillet 2013, ils vont entrer dans l’Histoire.
Le train Paris-Limoges déraille en gare de Brétigny-sur-Orge à 17H14.
La suite ici.

Il est à souhaiter que ce texte soit présenté à tous les étudiants en journalisme, et même à tous les collégiens dans un cours sur la fiabilité des sources et le recoupement de l'information, bref sur le temps nécessaire pour rédiger et présenter une information authentique et non manipulée. Du boulot...

13 juillet 2013

Toto, trente ans

Un superbe texte sur le blog Le lancer de galaxie du dentifrice.

Une image belle et crue de ce que vit cette génération, et que connaissent aussi ceux qui ont quelques années de moins.

Un jour, j'aurai le temps peut-être de commettre un Ouadou, cinquante-et-un ans...

Juste le début ici...
Je suis né en 1984, je vais entrer dans ma trentième année. Je pense que le moment est venu de parler un peu plus longuement que ne le font de temps à autres les médias généralistes de ce que c’est que d’être un jeune français entrant dans sa trentième année, en 2013.
Je vais me plaindre. C’est puéril, mais pas encore interdit.
Je suis vraisemblablement ce qui s’approche le plus du français lambda. Je suis blanc, avec 25% de sang italien, issu de la classe moyenne inférieure. Profs et éducs du côté de mon père, prolos et petits fonctionnaires du côté de ma mère. Je n’ai manqué de rien, mes parents ont toujours pris soin de moi, chacun de leur côté (ils ont divorcé quand j’étais petit pour coller au cliché de la famille normale).

La suite là.


12 juillet 2013

Pour mémoire : un homme qui protège l'évasion fiscale est-il digne d'être président ?

Extrait d'un entretien avec Hervé Falciani paru dans Libération ce jour;

Je veux rappeler que dans l’héritage de Nicolas Sarkozy, il y a le fait que Panama soit sorti de la liste noire des paradis fiscaux. Ce n’est pas anodin car tout l’immobilier louche se retrouve là-bas. Sarkozy a fait obstruction sur le plus grand dossier fiscal de l’histoire, il est le premier président à bénéficier d’autant de données et n’en a rien fait. Sauf à consolider une des places financières les plus toxiques par son opacité.

 Pour mémoire. Ceux qui voteraient pour lui le feraient en connaissance de cause.

10 juillet 2013

Perturbateurs endocriniens : le gouvernement va-t-il céder à la pression des lobbys ?

Un article de Nolwenn Weiler sur Basta! nous rappelle le danger de ces éléments chimiques et l'influence des lobbys...

Le gouvernement français osera-t-il interdire les perturbateurs endocriniens (PE), ces polluants qui – même à des doses infimes – peuvent perturber le système hormonal et provoquer certains cancers, des dysfonctionnements du système nerveux ou encore engendrer des problèmes de reproduction ? Rien n'est moins sûr. Le texte de la « stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens » (SNPE) est pour le moment bloqué au ministère de l'Écologie. Rédigé par un groupe de travail comprenant des représentant des ministères, des élus nationaux et européens, des représentants de l'industrie, des chercheurs et des ONG, ce document est censé déterminer des actions de recherche, d'expertise, d'information du public, et de réflexion sur le cadre réglementaire. C'est sur ce dernier point que les tensions se cristallisent.
Concernant les produits phytosanitaires et biocides, le texte propose de pouvoir « réviser les critères d'exclusion » de certaines substances après une étude d'impact. Cette étude pourrait considérer comme pertinent le « seuil » de dangerosité, cette quantité de produit en deçà de laquelle il est considéré comme inoffensif. L'exclusion des pesticides reconnus PE ne serait plus actée a priori, mais après une évaluation du risque.
Cette proposition tranche avec l'avis des parlementaires européens qui ont souligné, en mars dernier, que, en l'état actuel des connaissances, on ne pouvait établir de valeur limite pour les perturbateurs endocriniens : les PE peuvent avoir des effets indésirables qu'elle que soit la quantité, estiment-ils. Le règlement européen qui encadre la mise sur le marché des produits phytosanitaires se base lui aussi sur la dangerosité intrinsèque des pesticides reconnus PE.

Dérogations autorisées
Le projet de texte propose par ailleurs que si des producteurs se déclarent en « impasse technique », c'est-à-dire incapables de se passer du produit (même PE), ils pourront l'utiliser ! On resterait ainsi dans une tradition bien française de dérogations, comme sur l'épandage aérien, contraire à tous les grands principes de précaution édictés au niveau national et européen. « Nous dénonçons aujourd'hui l'entêtement des ministères à vouloir à tout prix laisser dans le texte de la future SNPE cette disposition soutenue par le seul MEDEF et qui vise seulement à céder aux pressions de groupes de pression agricoles et agrochimiques », déclare François Veillerette, porte-parole de Générations futures. Le message est transmis au ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll, qui ne manquera sans doute pas de plaider la défense du principe de précaution auprès des professionnels du secteur, puisqu'il veut faire de la France le leader européen de l'agro-écologie...
Le petit schéma en début de message vient d'un autre site. Il montre tout le danger de ces perturbateurs.

7 juillet 2013

Ah l'amour...

Drôle d'été dans ma tête. Ce sentiment amoureux qui ne me lâche pas, ce silence en retour.

Un beau texte d'Agnès Maillard à vous faire partager.

Paris, capitale internationale des amoureux, même si cela se joue à une tête de gondole avec Venise et ses miasmes d'égout à ciel ouvert. Doisneau avait dû faire poser deux étudiants en théâtre pour obtenir son célèbre cliché, alors qu'il suffit de mitrailler modérément dans les rues de la ville pour fatalement capturer une preuve d'amour. Cela dit, il reste infiniment plus difficile de photographier l'amour que le sexe.

Le sexe, lui, s'étale partout, affiches de rue à connotations lourdingues et grasses, abords kiosquiers envahis d'accroches libidineuses au possible, allusions appuyées dans la presse, la télé, avec des débats de haute volée, faut-il baiser le premier soir? ou des questions existentielles graves : Alors, Michel Rocard, est-ce que sucer, c'est tromper ? L'éducation sentimentale des ados du XXIe siècle se fait à coup de pornos, le vibro est un objet ludique et tendance qui a quitté l'intimité des boudoirs pour les vitrines de la mode chic et décomplexée et personne n'ignore que la verge européenne standard mesure 17,5 cm ou que l'Occidental moderne et sain ramone sa bourgeoise ou celle du voisin trois fois par semaine à raison de 14 à 18 minutes de coït vaillamment mené chaque fois, avec ou sans Viagra. Et tant pis pour tous ceux qui n'entrent pas dans la moyenne ! Ils feront semblant d'être comme les autres et enterreront leur honte et leurs pudeurs au fin fond de leur alcôve dérisoire et pathétique.
L'hypersexualisation de l'espace social investit notre vie privée, fait de nous des techniciens du sport en chambre et normalise nos pratiques intimes. L'orgasme se conjugue à l'impératif et l'injonction de la réussite sexuelle colonise nos imaginaires sensuels et amoureux, appauvrissant la palette des sentiments, la remplaçant par une simple mécanique des fluides, aliénante et triste. Les marchands de chair tiède font leur lit de nos pulsions canalisées et remettent le couvert quand nous nous ruons ensuite dans les centres commerciaux pour tenter de combler un vide et une frustration que nous ressentons profondément sans jamais pouvoir les nommer ou les identifier.

Le corps social contemporain est comme un ado attardé qui se focalise sur le touche-pipi et reste totalement ignare quant à la délicate question du sentiment amoureux. Il est dramatique d'être puceau à 40 ans, mais qui s'émeut de ceux qui traversent une existence humaine entière sans jamais avoir aimé ou avoir été aimés ? Qu'est-ce qu'une vie sans amour ? Qu'est-ce qu'une relation sans profondeur ?

Il n'y a ni mots ni objectif pour mettre en scène ou seulement évoquer la subtile alchimie du sentiment amoureux, celui qui lie les êtres avec plus de force et de persistance qu'aucun contrat ou qu'aucune imbrication forcenée des organes génitaux ne pourra jamais le faire. Le sentiment amoureux ne se raconte pas, il se vit, tout simplement. Parce qu'il est indicible, le sentiment amoureux ne se prête guère aux OPA médiatiques ou à la société du contrôle du comportement humain. Le sentiment amoureux est profondément subversif, il révolutionne l'existence de ceux qui le vivent, il s'affranchit des normes, des codes, des modes d'emploi, des caricatures et des réductions à l'emporte-pièce. C'est une fulgurance qui ravage tout sur son passage, qui fait crépiter les relais synaptiques comme une tempête de pop corn dans un champ de micro-ondes, c'est une évidence qui affole le rythme cardiaque, embrase les regards et embellit le monde entier. Qui pourrait décrire le cocon d'apesanteur qui isole les amoureux de la folle course du monde, le tunnel des regards qui s'accrochent dans une sublime vision sélective, la musique céleste des voix qui s'arrondissent et se fredonnent des banalités au creux d'une brume de cheveux ? L'espace intime du bien-être ensemble est la bulle d'univers en constante expansion dans laquelle les amoureux construisent d'autres possibles avec de petites briques de quotidienneté. Le sentiment amoureux se nourrit de bribes de l'autre, un souffle légèrement appuyé, un regard tendre, un rire qui soulage, un sourire immense qui envahit le monde et le rend subitement plus beau, des mots qui coulent et qui apaisent, des rires qui débordent et de l'incroyable certitude d'être enfin arrivé quelque part, d'être exactement où l'on doit être, d'être arrivé, là, chez soi, partout, et de pouvoir enfin poser ses valises.

Si le paroxysme du sentiment amoureux ajoute la fusion des chairs à celle des esprits, il n'y a pas dans la découverte sensuelle d'alter ego une part de cette course vaine à la jouissance à tout prix, à la performance brute et autosatisfaite. La rencontre des corps n'est alors que la matérialisation heureuse et partagée du plaisir intense de s'être enfin trouvés et reconnus. Il n'y a plus de maladresse dans l'exploration de l'autre, plus aucune valeur esthétique dans les gestes, les postures et les corps soudés, plus que l'ultime et intense danse de la vie, celle qui sublime le monde et les êtres et qui n'a d'autre dimension qu'un éternel présent.
Bien que lecteur régulier du Monolecte, j'avais raté celui-là. Comme quoi...