28 février 2013

Dix choses à savoir dire tous les jours

1. Voilà ce que je pense.

2. J'avais tort.

3. C'était génial.

4. Mais de rien.

5. Je peux vous aider ?

6. Veuillez m'excuser.

7. Vous pouvez me montrer comment vous faites ?

8. Je vous aide à finir ça.

9. Je t'aime.

10. (Rien)

Je vous laisse réfléchir à l'application de ces dix choses dans votre quotidien.

Madame Cravache

Un joli texte des CAFards sur les intervenants hors contexte à Pôle Emploi. Extrait:

Oubliée de mon agence et abandonnée par mon conseiller Pôle emploi depuis 15 mois, je suis presque flattée lorsque je reçois une convocation pour une « réunion ». Une réu, c’est bonnard me dis-je : on est entre chômeurs, on se tient chaud, on n’a pas besoin de se peignermaquillerdouchersentirbonprendresamotivationsouslebras.
Bon d’abord à l’agence de la rue de la Beaune tu rentres pas comme dans un moulin, que nenni ! Nous sommes une vingtaine à l’heure dîte et nous faisons la queue DEHORS tandis qu’un agent DEDANS vérifie une à une chaque convocation et la tête à qui appartient la main qui tient fébrilement son petit papier.
Il apparaît rapidement manifeste que les agents d’accueil ne comprennent pas bien ce que fait ce petit troupeau d’usagers dans l’agence : qu’est-ce que c’est que ça tous ces chômeurs dans une agence Pôle emploi, ils se croient où ? Nous on est lisses, sages et auréolés en fluo de notre bonne foi : on a en main un petit papier qui dit que « réunion », le mot est stabiloté sur chaque convoc en rose en vert en jaune en bleu, c’est joli.  Un agent téméraire fait le lien entre le mot qui cligote en fluo sur nos papiers et un panonceau « réunion » sur une porte : tac-tac réunion / réunion, ha ben on a qu’à les mettre là !
Dans le hall c’est un soulagement général, ça faisait désordre cette hésitation collective, on est passé à deux doigts du questionnement métaphysique et ça chacun pressent que c’est le début du bordel voire de l’amorce du commencement de l’émeute. Bon. Moi l’insurrection là je suis pas chaude perso parce qu’il est franchement l’aube et j’ai bu un seul café.
Donc là, on va être rangés dans la salle, rengainez vos cagoules, c’est pas pour maintenant. Sauf que, consternation : les convoqués sont une vingtaine et la salle a une jauge de dix personnes. Re tac-tac, décidément dans sa tête à lui ça va vite, ça fait des rapprochements sémantiques, ça manie des chiffres, ça fait des soustractions : ils rentrent pas les gens, là. Il est sincèrement embêté et dévoué. Je vois presque en projection sur son crâne des phrases genre : ben quand même on peut pas traiter les gens comme ça, c’est des chômeurs oui mais c’est quand même encore des gens voire peut-être des citoyens, la déclaration des droits de l’homme c’était pas pour se torcher avec, moi tu vois je voulais être rock star et voilà je suis agent Pôlemploi, c’est pas facile il faut que je m’accroche à ce qu’il me reste d’humanité, quand-même ces gens ils ont droit à une chaise chacun dans la salle de réunion, ils ont beau être en troupeau ce matin on est pas des bêtes.
Polyvalent l’agent post-rock star : la tête ET les jambes : le voilà qui commence énergiquement à jouer à Tétris avec les tables et les chaises sous notre regard ovin (le troupeau a fini par faire les bêtes).
C’est alors que surgit des profondeurs impénétrables de l’agence une jeune femme déterminée, court vêtue et chaussée de cuissardes. Où est sa cravache ? A mon avis c’est un modèle télescopique pour mieux la ranger dans ses bottes.

La suite ici.

27 février 2013

Indigné et pensif

Indigné par la disparition d'un grand monsieur. Un de ses amis, Eduardo Punset, à la radio ce matin, m'a fait réfléchir aussi: "Avant on mourrait à 30 ans et on se préoccupait de la vie après la mort. Aujourd'hui on meurt à 80 ans et on s'inquiète de la vie avant la mort"

Indigné

"Il faut comprendre que la violence tourne le dos à l'espoir. Il faut lui préférer l'espérance, l'espérance de la non-violence.C'est le chemin que nous devons apprendre à suivre. Aussi bien du côté des oppresseurs que des opprimés, il faut arriver à une négociation pour faire disparaître l'oppression ; c'est ce qui permettra de ne plus avoir de violence terroriste. C'est pourquoi il ne faut pas laisser s'accumuler trop de haine.

Le message d'un Mandela, d'un Martin Luther King trouve toute sa pertinence dans un monde qui a dépassé la confrontation des idéologies et le totalitarisme conquérant. C'est un message d'espoir dans la capacité des sociétés modernes à dépasser les conflits par une compréhension mutuelle et une patience vigilante. Pour y parvenir, il faut se fonder sur les droits, dont la violation, quel qu'en soit l'auteur, doit provoquer notre indignation. Il n'y a pas à transiger sur ces droits. "

Indigné que Stéphane Hessel nous quitte, ce 27 février. Mais fort de ces mots qu'il nous a laissés.

Si je devais mourir demain

J'aimerais que mon dernier regard soit pour elle et mes enfants. Pour leur transmettre tout l'amour qui me reste, et dont je n'aurai plus besoin au-delà.

J'aimerais avoir eu le temps de lui dire combien je n'ai pas su avoir les mots, les gestes, les silences, les retenues, pour exprimer tout cet amour qu'elle a suscité en moi.

J'aimerais avoir eu le temps de passer encore plus de temps avec chacun de mes enfants, pour leur exprimer mon amour, pour leur conseiller de vivre leur vie pleinement, de rester des enfants dans leur tête, d'aimer sans retenue mais sans exhibitionisme non plus, de profiter de chaque instant positif pour évacuer la souffrance, la douleur, et toutes les pensées négatives qui peuvent s'accumuler en nous jusqu'à l'explosion.


26 février 2013

A loteria da Babilonia

En découvrant Paulo Coelho, j'ai appris qu'il avait écrit de nombreux textes pour le musicien Raul Seixas. Par exemple, celui-ci.



Vai! Vai! Vai!
E grita ao mundo
Que você está certo
Você aprendeu tudo
Enquanto estava mudo
Agora é necessário
Gritar e cantar Rock
E demonstrar o teorema da vida
E os macetes do xadrez
Do xadrez!...
Você tem as respostas
Das perguntas
Resolveu as equações
Que não sabia
E já não tem mais nada
O que fazer a não ser
Verdades e verdades
Mais verdades e verdades
Para me dizer
A declarar!...
Tudo o que tinha
Que ser chorado
Já foi chorado
Você já cumpriu
Os doze trabalhos
Reescreveu livros
Dos séculos passados
Assinou duplicatas
Inventou baralhos...
Passeou de dia
E dormiu de noite
Consertou vitrolas
Para ouvir música
Sabe trechos da Bíblia de cor
Sabe receitas mágicas de amor...
Conhece em Marte
Um amigo antigo lavrador
Que te ensinou a ter
Do bom e do melhor
Do melhor!...
Mas o que você
Não sabe por inteiro
É como ganhar dinheiro
Mas isso é fácil
E você não vai parar
Você não tem perguntas
Prá fazer
Porque só tem verdades
Prá dizer
A declarar!...

25 février 2013

Régime

C'est fou ce que l'amour peut faire faire... mais cela fait partie de la poursuite du bonheur.

Une franche discussion sur nos excès pondéraux respectifs, et voilà que la décision est prise. Régime collectif des adultes de la maisonnée. Régime "starter" du Docteur Delabos. Livre électronique acheté et téléchargé immédiatement, quelques recherches pour trouver les compléments vitaminiques et protéinés indispensables. L'objectif annoncé : 8 kilogrammes en 4 semaines.

Mon Dieu, que les repas sont frugaux.

Petit-déjeûner, un morceau de fromage, un morceau de pain, une cuillère à soupe d'huile d'olive (et les vitamines). Repas de midi, un morceau de poulet, quatre cuillères à soupe de frites. Goûter obligatoire, 6 carrés de chocolat, un petit jus de fruit (et les protéines). Dîner facultatif, un morceau de poisson, quatre cuillères à soupe de légumes cuits.

Presque plus de pain, plus de sucre, plus de lait surtout (moi sous forme de yaourt, ce qui revient au même). Autant dire que le dîner n'est pas facultatif, c'est juste une question de survie.

Si je suis encore vivant dans 4 semaines, je vous raconterai les résultats en détail.

23 février 2013

Aleph (Paulo Coelho)

Peut-on être attiré par un livre, subjugué au point de le croiser à plusieurs reprises dans des librairies, des centres commerciaux, pour se contenter à chaque fois de lire la quatrième de couverture, puis s'aventurer à lire les dernières pages, n'y rien comprendre, enfouir tout cela au fond de sa mémoire ?

Et puis deux heures d'attente dans une gare c'est trop long. Deux magazines, vite expédiés, et enfin j'achète Aleph, que je dévore dans les deux heures du trajet vers Lyon (interrompu par une douce somnolence de 20 bonnes minutes), puis dans le bus qui me ramène chez moi. Arrivé, je m'assure que les enfants vont bien (leur cousine les a fait manger), que le copain du petit dernier est à l'aise dans l'appartement où il vient pour la première fois, et je me plonge dans les trente dernières pages.

Ce livre m'a fasciné, pour un tas de raisons. D'abord, parce qu'il présente des événements, des phénomènes, où l'on ne sait pas distinguer le réel conté de la fiction élaborée. L'auteur crée cette ambigüité et se délecte à nous perdre.

Ensuite, parce qu'il y a de tout: chamanisme, réincarnation, voyage dans le temps, pouvoir sacré ou magique de la musique, et tant de choses encore.

Mais j'avoue que deux choses m'ont vraiment touché : la référence permanente à Dieu, qu'il convient de ne pas tuer en soi, comme l'a fait le traducteur veuf du roman; l'allusion fréquente à l'équilibre du couple, à la confiance, à la fidélité, quelle que soit la force des sentiments éprouvés pour les êtres que l'on rencontre.

Le divin est en nous, cela m'évoque ce païen de Paul qui rappelait que notre corps est le temple de notre âme. Ne le laissons pas souiller. Prêtons-le à qui a su entrevoir notre âme, mais avec distance et avec précaution.

20 février 2013

Franco n'est toujours pas mort en Espagne, juste à côté...

C'est un jour de triste anniversaire que le 20 février. Il y a dix ans, avec une violence extrême dont elle n'a cessé de faire preuve depuis 70 ans, la police espagnole investissait les locaux du quotidien Egunkaria, le forçant à la fermeture, embarquait notamment son directeur, Martxelo Otamendi, et le torturait, dans l'indifférence générale de la communauté internationale et, en France, de la paire Chirac-Raffarin.

Depuis, l'Espagne a été condamnée par la Cour internationale de justice pour la torture, mais l'état espagnol continue de se déliter, avec une monarchie discréditée par les scandales de corruption et par l'ouverture des archives diplomatiques allemandes (qui a démonté le mythe du roi "sauveur de la démocratie" lors de la tentative de coup d'état du 23 février 1981), et un gouvernement néofranquiste (le "parti populaire" de M. Rajoy) également corrompu jusqu'à la moëlle.

18 février 2013

Anděl (Karel Kryl)


À l'époque communiste, j'ai entendu souvent chanter les chansons de Karel Kryl sans savoir qui c'était. Ses chansons sont entrées dans le fonds populaire très tôt. Sa mort prématurée a été un choc pour moi.

17 février 2013

Goizian goizik (Imanol)


La nostalgie, c'est quand la majorité des artistes qu'on aime ne sont plus là ?
J'ai eu le bonheur d'entendre Imanol au théâtre de la Ville, à Paris, il y a déjà longtemps. Ses chansons me font toujours vibrer, même si mes préférées ne sont pas sur ioutioube...


Convictions psychiatriques

C'est le titre du dernier billet de Nicolas Bedos qui décidément me plaît bien.

Extrait...

Lundi. Les homos rentrent au bercail. Et pourtant, cette semaine, on trouve encore des folles partout, même chez les hétéros : Dominique Tapie, la femme de Bernard, est une sacrée nympho. Des preuves ? En un seul mariage, elle a tout de même trouvé le moyen de se taper un chanteur, un vendeur de baskets, un patron de club de foot, un ministre de gauche, un taulard, un bon acteur de cinéma, un mauvais comédien de théâtre, un leader antiraciste, un soutien de l'UMP, un patron de presse milliardaire et, si l'on en croit les derniers rebondissements dans l'affaire d'arbitrage, cette gourmande quinquagénaire ne se range guère des bagnoles, puisqu'elle s'apprête à mettre le grappin sur un futur pauvre ! Comble de la perversité : tous ses amants s'appellent Bernard Tapie.

A la question : «Profession du mari ?», il paraît qu'elle s'évanouit. Dans ce défilé de braguettes et de casquettes, entre deux montagnes russes financières et trois tournantes politiques, l'infidèle ne sait jamais si elle passera l'été prochain à l'ombre du parloir de Fleury-Mérogis (en face d'un plouc) ou sous le cagnard des Bahamas (en face d'un plouc). Cela dit, à l'heure où pullulent les tentatives de rénovation du rapport amoureux et les clubs échangistes, voilà la seule mère de famille qui aura su réconcilier partouze et tradition. Car, chez les Tapie, on se grime, on se souille et on se déguise, mais sans jamais tomber le tailleur Chanel et la cravate Cardin !  

À lire en intégralité sur le site de Marianne.

16 février 2013

Le grand loin (Pascal Garnier)

Deux gourmandises littéraires dans la même semaine, cela faisait longtemps... L'histoire, je ne la raconterai pas. Surprenante, décapante jusqu'à la dernière ligne.

La langue de l'auteur coule sur le papier, comme de la confiture de lait sur une tartine de pain encore tiède.

Un petit extrait:
Il avait passé une bonne heure accoudé à la rembarde du pont qui surplombait l'autoroute et, si la pluie de n'était pas mise à tomber dru, il y serait sans doute encore. Bien des fois, alors qu'il circulait au volant de sa voiture, il avait remarqué ces individus, généralement solitaires, penchés au-dessus des grands axes routiers comme des busards mélancoliques.
Un vrai bon bol d'air.

Pedaços de mim (Martha Medeiros)

Eu sou feito de
Sonhos interrompidos
detalhes despercebidos
amores mal resolvidos

je suis fait de rêves interrompus, de détails inaperçus, d'amours irrésolues,

Sou feito de
Choros sem ter razão
pessoas no coração
atos por impulsão

je suis fait de pleurs irrantionnels, de personnes dans mon coeur, d'actes impulsifs

Sinto falta de
Lugares que não conheci
experiências que não vivi
momentos que já esqueci

je ressens le manque d'endroits inconnus, d'expériences non vécues, de moments déjà oubliés

Eu sou
Amor e carinho constante
distraída até o bastante
não paro por instante


Tive noites mal dormidas
perdi pessoas muito queridas
cumpri coisas não-prometidas

Muitas vezes eu
Desisti sem mesmo tentar
pensei em fugir,para não enfrentar
sorri para não chorar

Eu sinto pelas
Coisas que não mudei
amizades que não cultivei
aqueles que eu julguei
coisas que eu falei

Tenho saudade
De pessoas que fui conhecendo
lembranças que fui esquecendo
amigos que acabei perdendo
Mas continuo vivendo e aprendendo.

J'ai la nostalgie des gens que j'ai connus, des souvenirs qu'ai oubliés, des amis que j'ai fini par perdre, mais je continue à vivre et à apprendre
(Mes tentatives de traduction partielle en italique)

15 février 2013

La reine des lectrices (Alan Bennett)

Un petit délice: comment la reine d'Angleterre se prend de passion pour la lecture, puis se laisse entraîner vers la création littéraire...

Comme une friandise dans un café gourmand.

14 février 2013

A Morte Devagar

Martha Medeiros
Un poème de Martha Medeiros, attribué par erreur et par de très nombreux blogs (et perseverare diabolicum) à Pablo Neruda (qui n'a jamais écrit en portugais...)

Morre lentamente quem não troca de idéias, não troca de discurso, evita as próprias contradições.
Morre lentamente quem vira escravo do hábito, repetindo todos os dias o mesmo trajeto e as mesmas compras no supermercado. Quem não troca de marca, não arrisca vestir uma cor nova, não dá papo para quem não conhece.
Morre lentamente quem faz da televisão o seu guru e seu parceiro diário. Muitos não podem comprar um livro ou uma entrada de cinema, mas muitos podem, e ainda assim alienam-se diante de um tubo de imagens que traz informação e entretenimento, mas que não deveria, mesmo com apenas 14 polegadas, ocupar tanto espaço em uma vida.
Morre lentamente quem evita uma paixão, quem prefere o preto no branco e os pingos nos is a um turbilhão de emoções indomáveis, justamente as que resgatam brilho nos olhos, sorrisos e soluços, coração aos tropeços, sentimentos.
Morre lentamente quem não vira a mesa quando está infeliz no trabalho, quem não arrisca o certo pelo incerto atrás de um sonho, quem não se permite, uma vez na vida, fugir dos conselhos sensatos.
Morre lentamente quem não viaja quem não lê quem não ouve música, quem não acha graça de si mesmo.
Morre lentamente quem destrói seu amor-próprio. Pode ser depressão, que é doença séria e requer ajuda profissional. Então fenece a cada dia quem não se deixa ajudar.
Morre lentamente quem não trabalha e quem não estuda, e na maioria das vezes isso não é opção e, sim, destino: então um governo omisso pode matar lentamente uma boa parcela da população.
Morre lentamente quem passa os dias queixando-se da má sorte ou da chuva incessante, desistindo de um projeto antes de iniciá-lo, não perguntando sobre um assunto que desconhece e não respondendo quando lhe indagam o que sabe.
Morre muita gente lentamente, e esta é a morte mais ingrata e traiçoeira, pois quando ela se aproxima de verdade, aí já estamos muito destreinados para percorrer o pouco tempo restante. Que amanhã, portanto, demore muito para ser o nosso dia. Já que não podemos evitar um final repentino, que ao menos evitemos a morte em suaves prestações, lembrando sempre que estar vivo exige um esforço bem maior do que simplesmente respirar.
J'aime la dernière phrase: "être (rester) vivant demande un effort bien supérieur à celui de simplement respirer".

En ce jour parfois spécial, parfois douloureux, j'aspire surtout à lui dire que j'aimerais joindre mes forces aux siennes pour que tous deux nous soyons pleinement vivants. Parce que depuis un peu plus de seize ans, l'amour que j'ai pour elle me rend plus fort, plus fragile, mais surtout indestructible.

11 février 2013

Le nazisme à la française

Parmi les remparts idéologiques du nazisme à la française, si à la mode ces derniers temps (entre Civitas, qui me donnerait presque honte d'être chrétien, si je n'avais pas cette fâcheuse tendance à pardonner à ceux qui m'ont offensé, les Vanneste, Luca, Copé...), il y a le prétendu "génocide" qui serait arrivé pendant la guerre civile qu'a été la Révolution française.

Un article salutaire de Pierre Serna essaie de démonter cette falsification, qui a trouvé une exposition de choix récemment à la télévision.

Les trafiquants de mémoire, ou la Vendée vendue...
En moins d’un an, la direction de la programmation de France 3, chaine publique, met à l’affiche, cette nuit, 4 février 2013, une émission au titre des plus nuancés, comme si le point d’interrogation devait lever un doute « Robespierre, bourreau de la Vendée ? ». Non spécialiste de la Vendée, et plutôt rétif, à tort, à la culture télévisuelle, j’avais décidé d’ignorer l’émission. Mais devant ce qu’il convient d’appeler un acharnement médiatique dont le but ou la conséquence est de créer une vulgate partagée et finalement acceptée à force d’être répétée et ânonnée, quelques réflexions s’imposent. Un génocide aurait eu lieu en Vendée et qui dit génocide dit forcément que le coupable de l’histoire ou celui que l’on peut comparer à Hitler n’est personne d’autre que Robespierre.

Le véritable génocide des uns est relativisé – 6 millions de personnes sont mises sur le même pied que 170 000 personnes- le génocide inventé des autres se trouve décontextualisé et rendu incompréhensible parce que bricolé et impossible historiquement à démontrer.

J’ai dû regarder l’émission deux fois pour mieux comprendre les ressorts émotionnels qui structurent le docu-fiction avec ses ficelles, comme le film des cadavres et squelettes, exhumés sur fond de film de musique d’horreur dès l’introduction, ou bien à d’autres moments, c’est une musique de série d’angoisse qui envahit l’espace sonore.

Passe encore sur les approximations historiques, les documents filmés non identifiés, les interprétations des personnes interrogées, par exemple la théorie selon laquelle l’étude des coups d’épée relèveraient d’une situation d’acharnement, là où quelques années d’études de combat à l’arme blanche amènent à des conclusions inverses pour qui connait la force d’un sabreur à cheval (1).

Passe les ignorances sur le contexte de guerre européenne, passe sur les interprétations fondamentales de la thèse sur la Vendée de Jean-Clément Martin, non utilisées, alors que l’ancien directeur de l’IHRF, auteur d’un travail magistral sur la Vendée et son invention est interrogé seulement sur des aspects factuels et en tout dernier lieu sur l’interprétation des faits, là où tous les autres historiens soutiennent de suite leur position, des positions différentes et le plus souvent hostiles, développant longuement leur interprétation… Passe sur l’ignorance de ce qu’est dans l’histoire longue des répressions, les formes de mises à sac que des troupes militaires peuvent perpétrer sur des populations civiles comme un fait connu, et hélas déjà bien intégrées par les populations de Provence, des Cévennes dans la mémoire douloureuse des armées catholiques du roi massacrant des sujets protestants de sa majesté, bien avant la Vendée. Passe sur le feint étonnement de voir des ennemis traités de brigands et donc pourchassés et exécutés lorsque pris les armes à la main… comme si les cours prévôtales d’Ancien Régime et de la guerre des farines en 1775 et 1776 n’avaient pas connu le terme de brigand. Passe sur l’incapacité à penser la spécificité des combats entre militaires de lignes et population civiles révoltées qui, sous toute latitude, conduit les premiers à une férocité disproportionnée parce qu’ils ne reconnaissent pas aux seconds le statut de combattant, élément expliquant l’ensauvagement des guerres civiles.

A ce propos, passe aussi le long entretien demandé au spécialiste des guerres révolutionnaires, Bernard Gainot dont tous les propos ont disparu (censuré ?) au montage. Il avait osé comparer et montrer des parallèles entre la violence extrême des soldats bleus, et la brutalité sans limite des soldats anglais au même moment contre les patriotes irlandais, finissant par inquiéter leurs officiers soucieux de voir se transformer en animaux féroces leurs soldats, selon les témoignages de l’époque. Surement les propos de Bernard Gainot, maître de conférence habilité à la direction de recherches, ne cadraient pas avec la volonté délibérée de démontrer l’unicité du crime franco-français, hors de tout contexte de guerre…

Passe l’ignorance de Stéphane Courtois faisant preuve de sa demi-science en soutenant que le concept de crime contre l’humanité avait été inventé en 1944. S’il connaissait un tant soit peu l’an III et la réaction thermidorienne il saurait que les contemporains eux mêmes et Cambon en particulier ont conscience de l’importance de la violence qui vient de se déchaîner (qui le nie ?) et emploie déjà l’expression dès l’automne 1794 (2).

La litanie peut être longue. On arrête ici le démontage de la manipulation d’histoire et de la transformation des faits au profit de deux thèses : il y eut génocide, mieux « dépopulation » (ce n’est pas nous qui le disons, affirment les concepteurs de l’émission, c’est Babeuf lui-même, donc on peut le dire après lui, belle démonstration d’une imposture méthodologique : une fois, l’on utilise les propos des révolutionnaires contre eux, une autre fois pour la cause de la démonstration !!).

Deux point cruciaux, car ils sont les structures invisibles de l’émission, retiennent l’attention tant ils encadrent l’émission et constituent les deux bornes idéologiques sur lesquelles se construisent les deux supercheries constitutives du message matraqué pour la quatrième fois le 4 février.


Les deux mensonges de l’émission

Le premier est répété par S. Courtois, qui n’a jamais travaillé sur la Révolution française, et qui comme tous les convertis à la cause adverse de ce qu’il a adoré dans sa jeunesse, a fait son fonds de commerce de la détestation de tout ce qui est resté un peu plus à gauche que lui dans le monde universitaire, sans partager ses outrances de jeunesse. Comportement des plus banals. S. Courtois assène donc qu’en France, il est impossible de critiquer la Révolution ! Il est le premier historien à intervenir dans l’émission, l’un des derniers à donner son avis final, alors qu’il n’a jamais travaillé sur la période. Son avis est net. En France « on ne touche pas à la Révolution ». Dont acte. Mais qu’à cela ne tienne dans cette émission, des journalistes courageux vont défaire le mythe pour faire la lumière sur le génocide, ou pas ... La seconde posture qui encadre le film est celle de R. Sécher qui soutient sans hésiter l’idée que l’on tue deux fois la Vendée par l’opération du mémoricide. Selon le polygraphe, on tue une seconde fois la Vendée en l’oubliant systématiquement, en refusant d’en parler, en l’omettant sciemment des histoires. Ces deux faits énoncés aux moments clés de l’émission constituent le principal piège du documentaire qu’il faut avoir à l’esprit.

Pour cela, il faut convoquer le livre de Pierre Vidal Naquet pour bien comprendre le fonds négationniste de cette présentation historique et sa recette que le grand historien de la mémoire assassinée et spécialiste des négateurs des chambres à gaz a construit. P. Vidal Naquet explique la ruse du fonctionnement des négationnistes : il s’agit de construire une fausseté que personne n’a jamais soutenue, pour, en la déconstruisant, remettre en doute une autre vérité qui, elle, a été établie (3). Que font d’autres S. Courtois et R. Sécher que d’utiliser ce procédé pour mettre en doute la valeur de la Révolution et instiller l’idée d’une volonté politique et planifiée de destruction d’une population ?

Première contre vérité patente donc : en France on ne critique pas la Révolution , on n’y touche pas…Mais dans quel monde vit S. Courtois ? Depuis le 15 juillet 1789, on n’a cessé de critiquer, vilipender, détester, démonter et blâmer la Révolution. Depuis le 15 juillet 1789, dans ce pays, il y a au moins 10 % de la population qui n’a jamais accepté la Révolution, ses principes, ses valeurs et qui l’ont exprimé… parce que le nouveau régime leur en a donné le droit. Ils n’ont cessé de s’exprimer, au mieux dans la meilleure tradition libérale des études historiographiques, depuis Madame de Stael jusqu’à François Furet. La révolution a été l’objet de critiques parfois fondées, acceptables , mais permanentes, continues, à livres édités à des dizaines de milliers d’exemplaires. A qui fera–t-on croire qu’en France « on ne touche pas la Révolution » ? C’est là une contre vérité qui permet d’inventer un doute là où toute la verve anti et contre révolutionnaire s’est toujours tranquillement exprimée. Et que l’on ne prenne pas comme exemple la chaire d’histoire de la Révolution française que j’ai l’honneur de diriger, comme exemple d’une volonté d’imposer un seul discours. Elle a été explicitement fondée pour contrer Taine et Sorrel qui ne cessaient de massacrer l’héritage de la Révolution en présentant une lecture univoque aux jeunes élites de la France en 1880-1890 ! Comme dans le procédé négationniste, disséqué par Vidal-Naquet, cette fausseté permet d’instiller l’idée que la République cache quelque chose, une histoire monstrueuse , le crime de la Vendée et son oubli.

Car c’est là le second mensonge patenté soutenu par M. Sécher, l’idée du mémoricide qui repose sur le même principe : on veut oublier donc on veut cacher le génocide. La fable du mémoricide est donc construite. On aurait voulu occulter la Vendée. Mais combien de centaines et de centaines, voire de milliers d’ouvrages ont été écrits sur tous les épisodes sanglants de la Vendée depuis 1793 ? En affirmant cette contre vérité patente, l’auteur du pamphlet invente une fable avec tous les atours de la vérité pour instiller un autre mensonge, celui du génocide caché par la République et ses universitaires. Mais où est passée dans cette émission le travail de Jean-Clément Martin, certes interrogé mais point sur le fonds de son travail. Cet historien est le fondateur d’une autre vérité, sur l’absence d’un pouvoir au printemps 1793, capable de contrôler les troupes militaires, fin observateur de la manipulation à Paris, par les différentes factions de la violence désordonnée en Vendée pour s’imposer dans la capitale, en inventant "la Vendée" (4) ? Ce n’est pas là un oubli des contemporains ni des historiens mais au contraire une sur-présence de cette violence, de son récit, de son traumatisme et de ses séquelles dans la mémoire de l’Ouest de la France et de la république allant jusqu’à imaginer et nommer un espace qui n’existait même pas en tant que tel avant la Vendée !! de tout cela rien. Ou plutôt si avec l’aplomb des négationnistes connus dans d’autres champs : la fausseté affirmée avec une certitude sans faille. Ne tombons pas dans le piège de la surenchère. Ici, ce ne sont même pas des assassins de la mémoire, tout au plus des trafiqueurs de l’histoire. C’est leur droit, ils ne poursuivent qu’une longue généalogie de fossoyeurs des faits historiques, les fossoyeurs d’une histoire complexe, nuancée, douloureuse mais faisant sens, de la république. Les trafiquants du doute bricolent la montée de l’audimat… France 3 se prête à ce jeu, et nombre de leurs lecteurs n’ont jamais constitué une minorité brimée… Heureusement quelques historiens ont encore un peu de mémoire, la cultivent, non pour raconter la fable rose ou le livre d’horreurs du passé, mais pour comprendre et expliquer la violence outrancière des guerres civiles dans leur contexte.


Pierre Serna, directeur de l’Institut d’Histoire de la Révolution française.


(1) P Brioist, H Drévillon , P Serna, Croiser le fer, culture et violence de l’épée dans la France moderne XVI-XVIIIe siècle, Seyssel Champ vallon, 2002 réed. 2008
(2) « Cambon à la séance du 3 frimaire an III affirme que « Carrier a participé à des actes atroces exercés à Nantes, contre l’humanité », Moniteur XXII, p 595
(3) Pierre Vidal Naquet, Les Assassins de la mémoire, « Un Eichmann de papier » et autres essais sur le révisionnisme), 1981, Paris Maspéro.
(4) Depuis 1985, et la parution au Seuil de La Vendée et la France, Jean-Clément Martin, auprès d’un lectorat nombreux n’a jamais cessé de travailler sur la guerre de Vendée et sa mémoire, renouvelant sans cesse ses travaux, ses analyses, offrant régulièrement au public l’avancée des travaux les plus récents et fort nombreux sur la guerre civile dans l’Ouest de la France


10 février 2013

Niourk (Stefan Wul)

Ce dimanche, entre deux sorties sous la neige, deux livres. Le premier, de la science fiction classique, légère, enfantine même par instants, mais très agréable à lire.

Pierre Pairault, qui publia une dizaine d'ouvrages dans les années cinquante, puis un seul autre en 1977 sous ce pseudonyme (ou sous Lionel Hudson), est mort en 2003.

L'armée illuminée (David Toscana)

Un livre que je ne suis pas parvenu à terminer, et que j'ai rendu à la bibliothèque municipale hier.

Ce qui est difficile avec les traductions, c'est de savoir si la poussivité du style est due à l'auteur ou au traducteur. Est-ce parce que j'ai lu avant Cristo versus Arizona de Camilo José Cela ? Parce que j'apprécie Vargas Llosa ?
 En tout cas, là, j'ai calé...

9 février 2013

Hier, aujourd'hui, demain

Retour en 1982-1983, dans cette cité universitaire où je commençais ma découverte de Paris. Week-ends entre provinciaux ne pouvant rentrer chez eux car trop loin trop cher, étrangers, et couples en formation se retrouvant plus tranquillement ces moments-là. Une grande marmite d'eau, des pâtes, une sauce maison, une bouteille de vin, un peu de fromage et de pain, la convivialité, les discussions jusqu'au petit matin.
Ma voisine (chambre 806 ou 808 je ne sais plus) vivait une relation compliquée avec un Kabyle, ce fut surtout pour moi l'occasion de découvrir cet immense artiste.


Lundi dernier, annonce de son nouveau disque. Le soir même, je rentre et trouve ma tendre en grande conversation avec une amie kabyle, dont elle n'a pas de nouvelles depuis plusieurs mois. Dans la voiture, cette semaine, j'emmène son CD Identités. Le premier morceau, une reprise d'A Vava Inouva, tape dans l'oreille de ma fille qui demande que je le passe en boucle.
Faut-il croire au hasard ?

8 février 2013

Incompréhension

Agnès Maillard nous apprend à rester zen. Un texte à lire sur le Monolecte. Le début juste ici, pour le plaisir...
Il est difficile de décrire l'atmosphère d'une époque, d'exprimer clairement ce qui n'est que de l'ordre du ressenti et de la sidération, aussi. De ma totale incompréhension.
Je suis le dinosaure. Je vais m'éteindre. Et refermer la porte en sortant.

6 février 2013

Football et corruption

Il faudrait être naïf pouir croire qu'un milieu où il y a tellement d'argent en jeu soit épargné par la délinquance: corruption, dopage...

Dans Acrimed, David Garcia nous rappelle combien les médias ont "couvert" le président actuel de l'UEFA (comme d'ailleurs ils avaient protégé un vainqueur déchu du Tour de France).

Dans une enquête parue le 29 janvier, France Football met en cause le rôle joué par Michel Platini dans l’attribution au Qatar de la Coupe du monde de football 2022. Dénonçant un véritable « Qatargate » et des faits de corruption très graves à l’encontre de membres de la FIFA, l’hebdomadaire avance que Michel Platini se serait pour sa part « contenté » de participer à un dîner au sommet à l’Élysée où aurait été décidé qu’il accorderait son vote au Qatar en contrepartie d’investissements massifs de l’émirat en France - comme, entre autres, le rachat du PSG, ou la création de la chaîne de sport Be In Sport qui a au passage investi 150 millions d’euros dans les droits de retransmission de la Ligue 1 de football... France Football souligne également que la presse anglo-saxonne s’interroge sur le recrutement en janvier 2012 du fils Platini par Qatar Sports Investments, la très puissante branche dédiée au sport du fonds souverain qatari...

Ces révélations, largement reprises dans les médias, signent-elles la fin de l’omerta qui a longtemps protégé l’actuel président de l’UEFA ? L’article que nous publions ci-dessous, déjà paru dans le n° 4 de Médiacritique(s), notre magazine trimestriel [1], permet d’en douter… En effet, parmi toutes les formes de connivence, celle dont bénéficient les acteurs du spectacle sportif est injustement négligée. Et dans ce domaine, le cas de Michel Platini constitue un exemple édifiant… (Acrimed)
Journalistes ou protecteurs  ? L’exemple de Michel Platini
19 juin 2012 à 20 heures 40. Les joueurs et le public de France-Suède, match de qualification pour les quarts de finale de l’Euro de football, observent une minute de silence en mémoire de Thierry Roland, décédé trois jours plus tôt. Une marque de reconnaissance inhabituelle s’agissant d’un journaliste de sport inconnu hors de France. Et que Michel Platini, président de l’instance organisatrice de l’Euro justifie ainsi  : « Thierry a fait énormément pour le foot, beaucoup plus que des entraîneurs ou des joueurs qui ont pu être célébrés dans le passé. Il était donc normal que l’UEFA fasse un effort. » [2]
En réalité, comme il le reconnaît dans la même interview, le patron du foot européen célébrait avant tout un ami fidèle et un journaliste accommodant  : « On passait souvent nos vacances ensemble, chez moi, avec nos familles. C’est un autre Thierry Roland que j’ai connu. C’était tout simplement un ami. » Manière de distinguer un profil bien particulier de journaliste. Jamais contrariant avec les puissants, toujours du côté du manche, et prompt à défendre la réputation de leur idole.
Au service du joueur
Dès les débuts de sa brillante carrière de joueur, dans les années 70, « Platoche » fascine certaines figures du journalisme sportif. Lesquelles le placent sur un piédestal et se gardent de la moindre critique. Outre Thierry Roland, le capitaine de l’équipe de France attire dans ses filets deux grands noms de la radio, encore en activité  : Jacques Vendroux (France Inter), manager général du Variété Club de France [3], et Eugène Saccomano (Europe 1).
Ce dernier inventera même l’expression « relation amicalo-professionnelle » pour caractériser ses rapports avec Michel Platini. C’est d’ailleurs Eugène Saccomano qui présente le footballeur vedette à son patron, dans des circonstances qui trahissent l’intimité et la complicité entre les deux hommes, ainsi que le rapporte le biographe de Platoche, Jean-Philippe Leclaire  : « Jean-Luc Lagardère et Michel Platini ont fait connaissance, par le plus grand des hasards, Chez Edgar, un restaurant chic près des Champs-Élysées. À la table voisine de la sienne, le vice-président d’Europe 1 avait eu la surprise de trouver le grand espoir nancéen en train de dîner avec l’un de ses journalistes, Eugène Saccomano. » [4]
Au point que l’ami « Sacco » jouera de bonne grâce le rôle d’intermédiaire quand Jean-Luc Lagardère, propriétaire du FC Nantes, décide de recruter Platini au printemps 1979. « Eugène, il va falloir nous aider. Vous êtes ami avec Platini, essayez de le convaincre de venir jouer à Nantes. » « Eugène » échouera à convaincre Michel, dont il restera néanmoins très proche jusqu’à aujourd’hui.
Condition sine qua non d’une amitié durable entre Platini et un professionnel des médias  : ne pas franchir les limites de la bienséance journalistique. « J’essaie d’être positif. Avec moi, il n’y aura jamais rien sur le dopage, sur la violence, les magouilles financières, etc. À travers moi, je veux offrir du sport une belle image », expliquera l’ancien joueur lors de la sortie de son autobiographie [5]. Eugène, Thierry et les autres ont toujours su donner une « belle image » du football, expurgée notamment des scandales du sport business et respectant l’omerta sur le dopage.
Pour avoir enfreint cette règle, Jacques Thibert, directeur de la rédaction de France Football de 1985 à 1995, a subi, ainsi qu’il le rapporte lui-même, les foudres platiniennes  : «  Il avait investi de l’argent dans un centre de vacances à Montpellier, témoigne de nouveau Jacques Thibert. Platini a fait savoir à ma direction qu’il n’appréciait guère que je m’interroge sur le bien-fondé d’une telle activité pour un Ballon d’or » [6]. Jacques Thibert n’a jamais fait allégeance à sa majesté Platini. L’exact contraire de son successeur, Gérard Ernault.
Au service du patron du foot européen
Lorsque Michel Platini se lance dans la course à la présidence de l’UEFA, il demande tout naturellement à son ami de trente ans Gérard de lui rédiger une lettre de candidature  : « Simple retour d’ascenseur. Ernault n’a pas oublié le dévouement de l’ex-Turinois, qui l’a recruté au Comité français d’organisation de la Coupe du monde 1998, en attendant que la place de directeur de la rédaction de France Foot se libère. Platini s’inspire de la bafouille d’Ernault, et en adresse une version manuscrite au président de la Fédération française, Jean-Pierre Escalettes, conformément au règlement. » Michel Platini sera élu président de la plus puissante confédération continentale de football, le 26 janvier 2007.
Le 21 décembre 2007, France Foot désigne Platini comme le « dirigeant de l’année ». France Football et L’Équipe ont soutenu comme un seul homme la candidature Platini. Par réflexe cocardier  ? Pas seulement, expliquent les journalistes de l’hebdomadaire, propriété, comme le quotidien L’Équipe, du groupe Amaury. « C’est vrai qu’il [Platini] est très proche d’Ernault et que sa nationalité nous le rend sympathique, reconnaît Jean-Marie Lorant. Mais tel que le candidat se positionnait, il n’y avait pas de raison de ne pas le soutenir. Si on partage ses idées, on doit pouvoir le dire. » Ou encore  : « On ne le critique pas beaucoup, mais il était normal de faire campagne en sa faveur car il défend certaines valeurs du sport », approuve Laurent Wetzel.
Candidat des « petits » pays et des nations de l’est européen, ferraillant contre l’argent roi et la toute-puissance des grands clubs, Michel Platini tient un discours susceptible de plaire aux médias, friands de ces personnages de Zorro qui promettent de taper dans la fourmilière, sans toucher aux fondamentaux du système. Face à l’ancien « renard des surfaces », le sortant, Lennart Johansson, est paré de tous les défauts. Les médias français, L’Équipe et France Football en tête, caricaturent le vieux président de l’UEFA – soixante-dix-sept ans – en conservateur accroché à son poste. Sans être complètement biaisée, cette présentation a l’inconvénient de laisser de côté un détail qui a son importance.
Car en fait de conservatisme, le Suédois Lennart Johansson s’oppose frontalement au président de la FIFA, Joseph Blatter, éclaboussé par de multiples affaires de corruption [7]. Proche de Blatter, Michel Platini s’était engagé à ses côtés et avait influencé le résultat de l’élection à la présidence de la FIFA, en 1998. « Compte tenu de la puissance de la France en Afrique et de l’aura de Michel Platini, Blatter a récolté des voix décisives », précise l’ancien directeur de la rédaction de France Football Jacques Ferran [8]. Un fait d’armes omis par les médias français en 2007, lors de la campagne pour la présidence de l’UEFA.
Une fois élu, Michel Platini poursuit sa lune de miel « amicalo-professionnelle » avec les médias, qu’ils soient sportifs ou généralistes. Sa réussite de dirigeant, vingt ans après avoir mis un terme à sa carrière de joueur, impressionne les journalistes.
Exemple, ce reportage édifiant de Frédéric Potet paru dans Le Monde 2, le 29 mars 2008. D’emblée, l’article présente le nouveau président comme un homme qui tient ses promesses  : « Pressé, le sixième président de l’Union européenne de football (UEFA) semble l’être au vu de son bilan après un an de mandat. Élu en janvier 2007, Michel Platini a déjà réalisé pratiquement l’ensemble des réformes qui figuraient dans son programme électoral. L’ancien numéro 10 s’est démultiplié, remaniant la Ligue des champions, trouvant un accord sur la question cruciale de la mise à disposition des joueurs internationaux et rayant de la carte la bête noire de l’UEFA  : le G14 (association des grands clubs européens). Dans l’intervalle, Platini a également rabiboché les différentes “familles” du football (joueurs, clubs, fédérations, ligues) et dégelé les relations avec la Fédération internationale (FIFA), ce qui était la moindre des choses étant donné qu’il fut pendant neuf ans le conseiller de son président, Sepp Blatter. »
Le reporter du Monde 2 pousse très loin la flagornerie. Jusqu’à s’offusquer qu’on puisse soupçonner une once d’ambition personnelle dans le parcours de Platini. « On ne gère pas une des plus puissantes fédérations sportives au monde sans une soif de reconnaissance personnelle », concède-t-il avant d’exploser sans rire  : « Suspecter cela chez lui est impensable  : quelle que soit l’ampleur de ses réalisations avec l’UEFA, son image de dirigeant n’égalera jamais celle du joueur qu’il fut. » Mieux  : Michel Platini aurait en quelque sorte fait don de sa personne au football européen. Et Frédéric Potet de s’interroger gravement  : « Avait-il d’autres choix, partant de là, que de “passer à l’acte” en prenant d’assaut l’UEFA, cette institution habituée à tanguer au gré des intérêts  ? »
Dans les faits, Michel le rouge met rapidement de l’eau dans son vin et donne suffisamment de gages aux puissances de l’argent pour obtenir un plébiscite, en vue de sa réélection, en mars 2011. Contrairement à ce qu’il avait annoncé, le nouveau président de l’UEFA n’octroie pas aux vainqueurs des coupes nationales le droit de participer à la Ligue des champions. Un manquement de taille à ses engagements électoraux, systématiquement passé sous silence par les journaux et les médias audiovisuels. Platini « préserve ainsi de fait les intérêts des grands pays, dont le nombre de représentants aurait automatiquement diminué. Rassuré par l’esprit conciliant de M. Platini, le G14 accepte de bon gré de s’autodissoudre, en février 2008. Quasi unanime, la presse européenne salue le coup de bonneteau du président de l’UEFA, présenté comme le défenseur sourcilleux des faibles face aux puissants » [9].
Pas dupe, le quotidien des hommes d’affaires Les Échos vend la mèche et célèbre ironiquement le « vrai-faux ennemi du sport business »  : « Michel Platini a tout du schizophrène. D’un côté, il dénonce le trop-plein d’argent dans le football. De l’autre, il prend, début 2007, la présidence de l’UEFA, la confédération européenne de football qui organise les très lucratifs Ligue des champions et Euro  ! Le triple ballon d’or n’a rien perdu de son art légendaire du décalage et du contre-pied » [10].
Un adoubement de première classe qui a le mérite de la franchise et tranche avec le traitement éditorial de l’ensemble des médias français, davantage soucieux de sculpter une image héroïque de Michel Platini que de s’attacher à la réalité de son bilan.

Notes

[1] Pour commander ce numéro, ou mieux, s’abonner, c’est ici.
[2] L’Équipe, 22 juin 2012.
[3] Le Variété Club de France est une association qui rassemble des personnalités médiatiques et d’anciennes vedettes du ballon rond, dont Michel Platini et l’ancien président Thierry Roland.
[4] Jean-Philippe Leclaire, Platini, le roman d’un joueur, Flammarion, 1998.
[5] Michel Platini avec Patrick Mahé, Ma vie comme un match, Pocket, 1998.
[6] Pour cette citation et les suivantes  : David Garcia, La Face cachée de L’Équipe, Danger public, 2008.
[7] Lire sur notre site  : « Ballon d’or  : la FIFA récompensée par France Football et L’Équipe ».
[8] La Face cachée…, op. cit.
[9] David Garcia, « Des clubs de football égaux, mais pas trop », Le Monde diplomatique, juin 2012.
[10] Les Échos, 13 juillet 2009.

5 février 2013

Lois jamais abrogées

Trouvé sur le net, une information importante sur l'efficacité de nos législateurs:
Les Parisiennes ont enfin droit au port du pantalon. L'ordonnance du 26 brumaire an IX obligeant « toute femme désirant s'habiller en homme » à demander l'autorisation à la préfecture de police de Paris est « dépourvue de tout effet juridique », a officiellement précisé le ministère des droits des femmes dans une réponse à une question écrite posée par un sénateur et publiée la semaine dernière.

4 février 2013

Question d'accent

La France n'aime pas ses accents. Une émission intéressante sur France Info: http://www.franceinfo.fr/societe/l-actu-des-regions/la-france-n-aime-pas-ses-accents-881471-2013-02-03

Extrait:

L'accent "toulousain" serait le plus charmant et l'accent "chti" le plus drôle, selon un sondage du site de rencontres Parship publié cette semaine. Mais la France aime-t-elle vraiment les accents régionaux ? Ce n'est pas sûr du tout.La plupart des médias qui ont repris ce sondage ont retenu avant tout une chose : l'accent toulousain serait "le plus charmant" et même "le plus sexy", dans la mesure où les intonations du Sud seraient dotées d'un capital sympathie précieux dans le jeu de la séduction. Mais cette enquête contient d'autres informations qui ont été peu relevées et qui, à mon sens, sont plus inquiétantes car elles montrent que les accents régionaux restent méprisés.

La preuve est apportée par la réponse à la question suivante : quel est l'accent le plus intelligent ? Réponse : ni celui des Alsaciens ni celui des Provençaux, mais le français standard, faussement dit "sans accent", loin, très loin devant celui des Bretons.

Contrairement à ce que l'on croit, cet accent n'est pas l'accent parisien. Historiquement, c'est l'accent des classes privilégiées qui, dans un pays centralisé comme la France, vivent surtout à Paris _ c'est très différent. Car ces classes sociales ont toujours veillé à se distinguer du peuple. C'était vrai hier vis-à-vis du parler des titis parisiens. C'est tout aussi vrai aujourd'hui avec les intonations des jeunes de banlieue.

C'est cet accent qui domine le cinéma et le théâtre -Phèdre n'est jamais jouée avec l'accent marseillais. C'est cet accent qui domine dans les médias audiovisuels pour les rubriques dites "sérieuses", comme la politique ou l'international. A de rares exceptions près, les journalistes à l'accent du Sud-Ouest sont cantonnés à la météo ou au rugby. C'est cet accent qui domine à l'université et dans les grandes entreprises. Dans les classes préparatoires aux grandes écoles ou avant l'agrégation, certains jeunes dotés d'un accent régional sont incités à prendre des cours de diction.

Ce rejet des accents traduit donc, en réalité, un mépris des "élites" vis-à-vis du peuple.  De tout temps, les notables provinciaux ont compris que, pour réussir, il leur fallait singer les manières et le langage des dominants. Ce mouvement a aujourd'hui gagné l'ensemble des classes moyennes. Bien des parents "corrigent" l'accent de leurs enfants, dans l'espoir de favoriser leur réussite sociale.

Et cela provoque des dégâts psychologiques, car les Français dotés d'un accent régional se demandent s'ils doivent y renoncer pour réussir socialement. Beaucoup s'y résolvent, d'ailleurs, avec plus ou moins bonne conscience, car cela les oblige à renoncer à une part de leur identité. Certains finissent même par se moquer de ceux qui ont gardé l'accent pour bien montrer que, eux, ont réussi à changer de milieu. L'académicien d'origine corse Angelo Rinaldi a ainsi écrit en substance que la langue corse ne servait qu'à parler aux chèvres !

Il est étonnant de constater qu'au XXIe siècle, alors que le racisme et le machisme sont combattus vigoureusement -et c'est tant mieux - on n'observe rien de tel pour les accents, alors même que certains individus sont pénalisés en raison d'a priori indéfendables. Et cela montre qu'au fond, la survivance des accents dérange profondément dans un pays comme la France, qui s'est construit en agrégeant, parfois par la force, des peuples issus de cultures et de langues différentes. Visiblement, notre tradition jacobine n'est pas morte.
À réécouter...

3 février 2013

Avoir un fils de quinze ans

Avoir un fils de quinze ans et se rappeler avec émotion la première fois qu'on l'a tenu dans ses bras. Il a presque 1m50 de plus, mais je le serre encore fort contre moi, le matin, pour lui dire bonjour.

Avoir un fils de quinze ans et en être fier, car c'est un garçon gentil, un collégien appliqué, un sportif de haut niveau combattif et résolu, un fils juste agaçant quand il faut, et qui n'hésite plus à me renvoyer à mes défauts avec le sourire.

Avoir un fils de quinze ans qui feint encore de ne pas s'intéresser aux filles, mais que pourrais-je lui en dire ? La chanson de Brel me revient : "tais-toi donc grand Jacques, que connais-tu de l'amour". Mais lui dire aussi que le coeur ne se contrôle pas, au contraire du corps qu'il a appris à contrôler dans l'effort de la compétition et dans la douleur des blessures et des rééducations. Lui dire qu'il ne faut jamais hésiter à aimer, que le bien que l'on fait alors nous fait autant de bien. Lui dire qu'il n'y a rien de plus fort que de se sentir aimé. Et taire les douleurs, les doutes, les déceptions, les déroutes, surtout quand elles ne sont pas encore digérées, pour savoir faire l'homme, faire le père, ce héros, ce roc indestructible qu'il sait pourtant déjà que je ne suis pas.

Avoir un fils de quinze ans, avoir envie de crier partout, regardez, c'est mon fils, il est magnifique, il va éclabousser ce monde de son talent, de son humour, de sa beauté.

Je t'aime, mon grand.

1 février 2013

Pieds nickelés

Sur le "blog du forgeron", une histoire digne des pieds nickelés ou plutôt décrivant nos pieds-nickelés modernes, basés à Levallois-Perret:
Le 23 février 2012 à 6h du matin, une trentaine de policiers de l’anti-terrorisme débarque dans la campagne rouennaise. Sous les ordres du célèbre juge Fragoli, la meute cagoulée est à la recherche d’un forgeron, ou bien de son père. Ils trouveront l’un et l’autre à Roncherolles-sur-le-viviers, chez eux, en train de dormir.

Ca frappe à la porte, ça hurle, ça envahit la maison. Il est grand temps de se lever. Pourquoi ici? Pourquoi Roncherolles et pas ailleurs? La réponse ne se fait pas attendre, le forgeron est un ami des mis en examens de Tarnac. La police fouille, les canards caquetent, on auditionne le père. A 86 ans il sait manier la forge. Il suffit parfois de pas grand chose pour avoir les honneurs de la police anti-terroriste. Dans le fond, ils se prennent au sérieux ces officiers et ces juges avec leur histoire de Tarnac; mais tout de même, qui va ranger derrière eux?
Ce ne sera pas le forgeron car lui, on va l’emmener au siège de la DCRI à Levallois-Perret. Il n’y a pas de petites économies dans la traque au terroriste.

Aux policiers, le forgeron ne dira rien, trop impatient de rencontrer le médiatique juge Frangoli et d’entendre les raisons d’une telle fanfare. On lui demande quand même ses empreintes et son ADN. Lui, demande ce qui lui vaut d'être menotté et enfermé dans une espèce de grosse boite blanche au troisième sous-sol de la DCRI. C’est donnant-donnant, il ne donnera rien. En anti-terrorisme, on a souvent le droit à 96H de garde-à-vue, c’est le temps que la loi octroie aux professionnels de l’interrogatoire pour briser du terroriste. Bizarrement, il resort à peine 35 heures après son arrive. Peut-être s’est-on trompé de loi?
Le forgeron repart, libre mais dépité: le juge Fragnoli n’aura même pas eu 5 minutes à lui accorder. Ah mais non, attention, avant de rentrer chez lui, il doit faire une nouvelle garde-à-vue, il a refusé de donner son ADN. Encore une heure donc, au coeur des services secrets français. Puis s’en va acheter un billet de train. Ca a d’ailleurs encore augmenté.

C’est cependant le coeur plus léger qu’il accomplit le trajet retour. Il sait désormais pourquoi son telephone a été mis sur écoute pendant 2928 heures et ce qui lui a valu d’être suivi et surveillé pendant des mois: il est forgeron. Oui, cela il le savait avant d’être menotté par la police anti-terroriste mais ce qu’il ne savait pas, c’est que c’était un élément suffisant pour justifier son enlèvement à 6H du matin.
Mais comme le comique s’accommode toujours bien du dérisoire, notre ami forgeron est convoqué au tribunal de Rouen le 6 février prochain. Ce n’est pas parce que les sbires de l’anti-terrorisme n’ont rien à lui reprocher qu’on ne peut pas lui faire un petit procés pour avoir refusé son ADN aux policiers forts mal élevés qui l’avaient réveillé, sequestré puis relâché sans la moindre charge.

Parce qu’on ne peut que se réjouir de chaque humiliation que l’anti-terrorisme s’inflige à lui-même, nous vous invitons à venir rire avec nous mercredi 6 février au TGI de Rouen.