31 juillet 2007

Penser nuit

Excellent article sur le blogue Action républicaine. Ce gouvernement n'est pas composé seulement d'incompétents, mais aussi d'allumés graves...

In extenso.

Dans le style, nous avons aussi: «Travailler plus pour penser moins.» Ces piquants aphorismes peuvent désormais passer pour les nouveaux slogans de la communication du cabinet Sarkozy - pardon, du gouvernement Fillon, quelle étourderie... Après le discours étonnant, pour employer un euphémisme secourable, prononcé le 10 juillet à l’Assemblée nationale par la ministre des Finances à l’occasion de la présentation du projet de loi "Travail, emploi et pouvoir d’achat", l’"International Herald Tribune" (22/07/07) a opportunément relié ses propos à la liturgie du «travailler plus», bourdonnée telle une inlassable antienne par le candidat puis le président Sarkozy.

Dans cette allocution mémorable, qui restera probablement comme un sommet de rhétorique néolibérale, Christine Lagarde a en effet stigmatisé l’utilisation immodérée que nous autres Français ferions de notre néocortex, siège de notre pensée consciente. Le passage en question vaut son pesant de cacahuètes et cervelles grillées : « C’est une vieille habitude nationale : la France est un pays qui pense. Il n’y a guère une idéologie dont nous n’avons fait la théorie. Nous possédons dans nos bibliothèques de quoi discuter pour les siècles à venir. C’est pourquoi j’aimerais vous dire : assez pensé maintenant, retroussons nos manches. »

La première impression est que la ministre a appliqué sa propre exhortation : pour proférer de telles incongruités, elle n’a pas surmené ses connections synaptiques. Selon Bernard-Henri Lévy, « c’est le genre de chose que vous pouvez entendre dans des conversations de café, de la part d’abrutis qui boivent trop »... Mais la perplexité cède ensuite rapidement le pas à l’indignation. Car enfin il ne s’agit justement pas d’une blague de comptoir, ni même d’un badinage off avec des journalistes, mais de l’exposition pesée et préparée, devant les représentants du peuple, de l’idéologie politique présidant à une réforme annoncée comme décisive. Le plus officiellement du monde, le gouvernement professe un renversement total de certaines valeurs fondatrices de « l’identité » française, à laquelle il se prétend pourtant si sensible. Ce qui était en haut se retrouve en bas : être d’un pays qui réfléchit, qui a théorisé sur tous les grands courants de pensée, qui a produit les Lumières et nombre de philosophes parmi les plus importants de l’histoire des idées, dont les bibliothèques publiques sont garnies d’ouvrages qui nous aident à comprendre le monde et notre humaine condition, constitue pour vous comme pour moi un motif de satisfaction et de fierté ?... Eh bien désormais, nous intime la ministre, il nous faut en avoir honte. La quête de sens, la réflexion, le discernement, l’intelligence, doivent être considérés comme les symptômes d’un passé plus poussiéreux que les rayonnages de bibliothèques qu’on est prié de ne plus alimenter en œuvres nouvelles. Pour les philosophes, écrivains, et intellectuels divers, ce sera tantôt le chômage technique ou le recyclage façon Mao...

Pourquoi ? Parce que nous explique ainsi la ministre, en France nous pensons trop pour bien travailler - cette pensée-là étant générée par un cerveau gouvernemental, un des rares encore encouragés à réfléchir avec ceux des ingénieurs R&D, elle n’est pas incluse dans l’anticogito lagardien. Par conséquent, tous ceux qui se retroussant déjà les manches jusqu’à l’omoplate, souhaitent consacrer du temps à d’autres petites choses essentielles au plaisir de vivre - conjoint, enfants, amis, loisirs - sont des fainéants. Tous ceux qui ont cru constater que, pour bien faire son boulot, il fallait se triturer un tant soit peu le chou, sont des rêveurs. Même pour être président de la République, contrairement à ce qu’on pouvait estimer, il n’y a pas besoin de beaucoup penser : « Je ne suis pas un théoricien, je ne suis pas un idéologue, je ne suis pas un intellectuel », se louait notre chef d’État à la télévision le mois dernier, comme le rappelle l’article susnommé du Herald...

Selon quelle étrange logique peut-on proférer qu’il faut arrêter de penser ? Peut-être, au hasard, suivant celle de l’idéologie néolibérale : il serait assurément plus facile de faire croire à une population d’anencéphales que la hausse de la TVA est une mesure sociale, les cadeaux fiscaux aux plus aisés un filon pour relancer la croissance, réduire le chômage et la dette, et tant qu’on y est, que la lune est une peau de veau... L’atrophie de la pensée est au sein même de l’entreprise un redoutable moyen de contrôle. Comme l’expliquait en effet Christophe Dejours, titulaire de la chaire de psychologie du travail au Conservatoire national des arts et métiers, dans la revue Res Publica (août 2004), les nouvelles formes d’organisation du travail et de management se basent sur la concurrence généralisée entre collègues, l’encouragement aux pratiques déloyales, et la rupture des liens de solidarité ; « ce système qui génère la peur chez nombre de travailleurs est aussi à l’origine d’injustice, de harcèlement, de déstabilisation calculée, qui produisent toutes sortes de souffrances ». Mais, pour que le système fonctionne, il lui faut des outils : « Des masses de braves gens sont dans le cadre de la modernité néolibérale invités à apporter leur concours [...] à des actes qui consistent à intimider autrui, à menacer, à faire peur, à mettre au point des « plans sociaux », [...] c’est-à-dire à commettre des actes injustes. » Certains n’y parviennent pas. D’autres, pour parvenir à effectuer « le sale boulot » sans se haïr, mettent au point une stratégie de défense qui a pour effet « d’engourdir la conscience morale, ce qui passe par un rétrécissement - c’est important sinon capital - de la capacité de penser ».

Arrêter de penser, selon Mme Lagarde, permet en outre de travailler davantage. Le problème est qu’un salarié pressuré court plus de risques qu’un adepte de la méditation... Certains en meurent. Dans le contexte préoccupant de l’accroissement des psychopathologies professionnelles sévissant de l’ouvrier au cadre, les rafales de suicides sur le lieu de travail comme chez Renault et PSA - phénomène nouveau de mémoire médicale, suscitent un franc malaise. C’est de fatigue que d’autres salariés décèdent. Ainsi, par exemple, du métallurgiste Rudy Norbert, employé d’une entreprise sous-traitante dans le Nord, dont le sort est révélé par le journaliste Paul Moreira dans son livre Les Nouvelles Censures. Voilà un cas édifiant. Son patron exigeait qu’il puisse être joint en permanence. Il travaillait parfois deux jours d’affilée, la masse illégale des heures supplémentaires étant camouflée en primes. Le 7 mai 2001, il travaille 21 heures de suite. On le rappelle à 2 h 30 la nuit suivante ; à 6 heures du matin, constatant son total épuisement, son chef de chantier lui dit d’aller se reposer quelques minutes dans la voiture de la société. Il s’assoit, pose sa tête contre la vitre et meurt. Il avait 30 ans... Et pendant que certains laissent leur raison et leur peau au boulot, d’autres n’en ont aucun. Mme Lagarde, pour qui il n’existe pas de lien social en dehors du travail (« Le contrat social, aujourd’hui, se décline en contrats de travail »), nie pourtant que le marché du travail soit « un gâteau à partager » entre concitoyens. Il faut dire qu’il est tellement plus rentable, pour une charge de labeur donnée, de payer moins de gens qu’il n’en faudrait...

Il faut lire ce discours en entier. Les envolées lyriques finales sont insurpassables : « Le travail engendre le travail. À l’intérieur de ce cercle vertueux, le pays tournera à plein régime. [...] Travailler plus, et vous multiplierez l’emploi. Dépensez plus, et vous participerez à la croissance. Gagnez plus, et vous augmenterez le pouvoir d’achat ! » Tant pis pour les bécanes humaines qui cassent à force de tourner à plein régime : le salarié jetable se remplace facilement. Travaillez plus, consommez plus, polluez plus. La fuite en avant n’en sera que plus rapide.

De cette facture orwellienne idéale, il n’y aurait donc que la pensée à soustraire... Il convient d’appeler enfin les choses par leur nom : quand un pouvoir politique articule l’affaiblissement de la pensée à l’augmentation du travail, il assume une propension au totalitarisme contre laquelle nous devons rester éveillés - les Nord-Coréens sont-ils par exemple encouragés à réfléchir par leur charismatique leader ?...

La pensée contient des mondes infinis ; elle est le siège de notre humanité, ce qui nous reste quand tout nous a été ôté. Elle ne devrait jamais être soluble dans le travail. Employer ne doit pas devenir synonyme de domestiquer, ni l’argumentation économique marchande dominer toutes les autres dimensions de la délibération politique.

Par Sophie, Agoravox

26 juillet 2007

Lâcheté

En 1940, 99% de pétainistes... en 2007, combien de Sarkozystes. La police ne fait qu'obéir aux ordres, rien n'a été fait sérieusement pour contrôler et réprimer les abus de pouvoir dont elle se rend coupable chaque jour, et de plus en plus encore depuis le 6 mai. Dernier fait édifiant en date, l'agression contre une vendeuse à la sauvette enceinte (mais en situation régulière) dont Libé s'est fait l'écho :
L’Inspection générale des services (IGS), la police des polices, devrait recevoir ce matin les plaintes de deux femmes enceintes brutalisées en pleine rue, par des policiers, mardi dernier, dans le quartier de la Goutte-d’Or à Paris. La première, Josiane, une vendeuse de légumes camerounaise, a été interpellée, frappée, puis placée en garde à vue jusqu’à mercredi midi. La seconde, Louise, venue acheter des légumes, a été seulement témoin de l’arrestation de Josiane, avant de prendre elle aussi un coup de matraque et d’être évacuée par les pompiers. «Je me suis approchée en voyant que les policiers demandaient à cette femme de lui remettre sa marchandise, raconte Louise. Mais ils ont commencé à la brutaliser. Je n’en revenais pas qu’ils la brutalisent comme ça.»
La fin de l’intervention policière a été en partie filmée par un riverain avec son portable (1). Elle n’est pas sans rappeler les dernières opérations d’arrestations de sans-papiers dans le quartier de Belleville, en particulier celle effectuée à la sortie de l’école de la rue Rampal, en mars.
Cette fois, c’est une vendeuse à la sauvette, titulaire d’une carte de séjour de dix ans, qui a été interpellée. Josiane, enceinte de plus de huit mois, a reçu un coup de poing en plein visage, avant d’être emmenée par les policiers et frappée dans la voiture.
La vidéo la montre, allongée par terre, dans l’émotion générale. «Ils m’ont jetée dans la voiture, explique Josiane. Je me suis retrouvée allongée à l’arrière. Le policier est monté sur mon dos, et il me tabassait. Il me donnait des coups sur la tête, de gauche à droite.»
Moulinets. Dans le quartier, plusieurs témoins qui ont vu partir la voiture confirment la scène. «J’ai vu un flic à l’arrière de la voiture, qui semblait assis sur quelqu’un d’allongé, et qui tapait dessus», explique Emmanuel. Alors qu’il tentait de s’interposer, Traore, le mari de Josiane, s’est fait asperger de gaz lacrymogène avec son fils. Choquée du traitement infligée à Josiane, Louise, la seconde femme enceinte, se trouvait à proximité quand les renforts policiers ont entrepris de disperser les témoins. «Les policiers ont fait des moulinets avec leurs matraques, dit Christophe, le mari de Louise. Et ma femme a reçu un coup. Elle a peut-être été touchée par inadvertance, mais le policier n’a rien fait pour lui venir en aide.»
Louise est emmenée par les pompiers à l’hôpital Lariboisière. Elle a un hématome dans le dos, mais son enfant se porte bien. Elle préfère rentrer chez elle, plutôt que de rester en observation. Pendant ce temps-là, au commissariat de la Goutte-d’Or, Josiane, menottée, attend toujours un médecin. On a oublié ses légumes, et on lui reproche désormais un «outrage à dépositaire de la force publique». Les pompiers passent la voir, mais ce sont les policiers qui la conduisent à l’Hôtel-Dieu, aux urgences médico-judiciaires, sous le régime de la garde à vue.
Echographie. Son mari, Traore, s’est présenté au commissariat pour apporter les chaussures de sa femme laissées sur le bitume du marché Dejean. On ne lui donne aucune nouvelle. Il n’en aura que le lendemain par un coup de téléphone de sa femme. Entre-temps, Josiane est conduite dans un autre hôpital pour y faire une échographie. S’il n’y a rien à signaler pour la grossesse, les médecins délivrent quand même à Josiane un «certificat de constatation de lésions», qui mentionne des «cervicalgies aiguës». Josiane a été remise en liberté, mercredi, vers midi, informée que le parquet ne donnait «pas suite» à la procédure.
(1) Sa vidéo a été diffusée par Libération.fr (http://indociles.blogs.liberation.fr)
Ces policiers sont des lâches.

Rien à dire, juste serrer les dents, tenir 5 ans, essayer d'ici là de trouver une opposition crédible et humaniste. Difficile dans une société entièrement vouée à l'argent...

12 juillet 2007

12 juillet

Le dimanche 12 juillet 1789, Camille Desmoulins harangue la foule au
Palais royal à Paris et incite le peuple à prendre les armes.

La politique menée alors dans le royaume de France est en effet de
donner toujours plus de privilèges aux privilégiés, toujours plus de
fortune aux fortunés !

Toute ressemblance...

10 juillet 2007

Ouverture...

De temps en temps, d'excellentes synthèses sont disponibles dans la blogosphère. Ainsi celle-ci, sur la prétendue "ouverture", sur le blog "Crise dans les médias" :

L'"ouverture": un mensonge de Sarkozy validé par les médias

Combien de fois avez-vous entendu le mot « ouverture » depuis le 6 mai 2007 ? Des centaines de fois...

C’est le bourrage de crâne habituel. On répète un mot (ou une séquence filmée diffusée en boucle). Au bout d’un moment, ça fini par rentrer dans les crânes.

L’ouverture donc. Gros mensonge. On ne peut en vouloir à Nicolas Sarkozy de mentir : c’est son métier. En revanche, les médias ne sont pas dans leur rôle: ils devraient décrypter le discours du président de la République et non le reproduire sans recul.

Pourquoi l’ouverture est-elle un mensonge ?

1) Main mise sur le pouvoir

La soi disant ouverture vise à cacher la main mise totale de l’UMP sur tous les leviers du pouvoir : présidence de la République, gouvernement, Assemblée nationale, Sénat. Sans oublier, dans la société, des amitiés nombreuses parmi le patronat (du MEDEF à la CGPME), les médias et certains lobbys.

Bref, ce qui menace la France, c’est un étouffement progressif. L’UMP (seulement 31% au premier tour de la présidentielle) accapare tous les pouvoirs.

2) Démocratie du strapontin

Même si on est bien disposé à l’égard de Nicolas Sarkozy, on est obligé de noter que l’ouverture qu’il propose n’en est pas une.

Ainsi, il a offert une « place » à Fadela Amara. Mais c’est un strapontin. Elle est sous la tutelle de Christine Bouttin, dont tout le monde connaît l’ouverture d’esprit. Avec elle, Fadela aura-t-elle le droit de l'ouvrir?

Bernard Kouchner (photo) a un ministère entier, direz-vous ! Mais les Affaires étrangères sont le domaine réservé du chef de l’Etat. Ré-ser-vé! Ca veut dire pas touche. Donc, Kou-kouch’ panier.

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Jouyet, n’en parlons pas. Puisqu’il dépend de Kou-kouch’ qui dépend du chef de l’Etat, vous avez compris quel sera son degré d'action!

Jean-Marie Bockel dépend aussi de Kou-kouch’. Dites donc, le quai d’Orsay, c’est un nid à d’anciens socialistes ! Sarko veut les avoir à l’œil on dirait.

Voilà. Concrètement, l’ouverture c’est ça. Kouchner aura le droit d’être sur la photo à côté de Sarkozy quand ce dernier ira faire le beau devant Condolizza Rice.

Pour résumer, Sarkozy propose une démocratie du strapontin. Si tu te soumets à lui, tu as droit à un strapontin. Un joli siège éjectable. C'est très facile d'agir en citoyen libre quand on est assis sur un siège éjectable...

3) Dissoudre l'opposition

L'ouverture est un procédé bien peu démocratique.

La démocratie suppose qu'il y ait débat. Ce débat est censé se dérouler à l'Assemblée nationale.

En débauchant des membres de l'opposition, Nicolas Sarkozy sous-entend que l'opposition ne sert à rien. En effet, s'ils acceptent de travailler avec lui, c'est qu'ils sont d'accord sur l'essentiel. Et c'est que le PS est creux et vide, sans idées.

Le rêve de Nicolas Sarkozy est donc de dissoudre l'opposition. Rien à voir avec une quelconque ouverture.

4) Petits marchandages entre amis

Sarkozy a appelé Védrine. Védrine a refusé les Affaires étrangères, dis-t-on. Il a appelé Kouchner. Ce dernier a accepté.

Chacun sait qu’il y a un monde entre les idées de Védrine et celles de Kouchner, notamment sur le Moyen-Orient. Peu importe : ce qu’il fallait c’était un scalp de socialiste. Et comme le quai d’Orsay, ça ne se refuse pas, le scalp est tombé dans l'escarcelle de Sarko l'ouverture.

La carotte : voilà un des secret du sarkozysme (le deuxième étant bien sûr le bâton). Proposer un ministère, un secrétariat d’Etat, un poste dans un cabinet, un emploi, un stage rémunéré, une décoration… Sarkozy sait que tout homme est achetable. Surtout les vaniteux, qui estiment qu’on ne les reconnaît pas à leur juste valeur.

Avec les UDF ça a été du gâteau. Un UDF c’est volatile. Limite faux cul. Ça vire à gauche, à droite. Selon le vent (qui fait tourner les girouette, disait Edgar Faure). Un UDF c’est craintif. Ca craint le vent, justement. André Santini avait peur de ne pas être réélu député. Il tremblait de peur, Dédé. Donc, Dédé la tremblotte a lâché Bayrou le Don quichotte des beaux quartiers. Résultat : non seulement le Dédé a été réélu les doigts dans le pif, mais il est ministre. Il a tout compris à l'ouverture. Malin le Dédé!

5) Au dessus des partis et des principes

Pour parler d’ouverture, il aurait fallu que Nicolas Sarkozy annonce sa volonté d’ouvrir, comme l’a fait Bayrou.

Il aurait fallu que les accords qu’il a passés avec des personnes se fassent avec l’aval de leurs partis respectifs (ou tout du moins pas en total désaccord avec eux).

Là, rien de tout cela. Ce sont des débauchages. Le Parti socialiste est cocufié en beauté. Tant pis pour lui, direz-vous ! Tant mieux, même. Ca l'obligera à bouger...

7 juillet 2007

Héros

C'est les vacances, depuis mercredi soir. Mes enfants commencent à décompresser, à se reposer un peu à la maison avec leur maman. Cela fait déjà 5 ans que je suis "parent d'élève élu", au conseil de l'école maternelle. Et je ferai certainement de même pour la dernière année de mon petit gars avant la "grande école". Cette école maternelle est une école d'application. Les enseignants changent presque tous tous les ans. Ce sont donc les auxiliaires (employées par la mairie sous l'acronyme barbare ATSEM) qui assurent la continuité. Elles sont admirables de gentillesse et d'humanité (je sais, pour les "décomplexés", c'est un gros mot). Car il y a des situations difficiles à gérer (où l'on découvre dans les conseils d'école que tel ou tel enfant n'était là que parce que temporairement placé, ou parce que sa mère, victime de violences, a été hébergée dans un foyer proche...) et cependant, ça se passe bien. Même les enseignants, si décriés, sont des professionnels qui font correctement leur travail, et même plus.

J'ai été touché par ce texte de Guy Birenbaum, qui va plus loin encore dans l'analyse et qui nous renvoie à la figure la désinformation autour de nombreux problèmes de société...

Je cite...

Hier, j'ai eu la chance de passer deux belles heures avec un prof qui enseigne dans une école primaire. Je ne vais pas le citer nommément (son prénom - François - est modifié), ni le localiser précisément, pour qu'il n'ait aucune difficulté à cause de moi. Disons simplement qu'il a la cinquantaine et 20 ans d'ancienneté dans une même zone ; surtout, il ne travaille pas dans un quartier a priori défavorisé. Pourtant, ce qu'il m'a expliqué sur l'évolution de son métier et, surtout, sur les modifications profondes de la population - de la société - est alarmant.

François, au cours de ces dix dernières années, a vu ses collègues, ses élèves et leurs parents devenir totalement "différents". "Changer" comme dirait l'Autre.

Quand il a commencé par là, j'ai tout d'abord bêtement cru qu'il voulait me parler, sans oser l'exprimer directement et brutalement, des problèmes spécifiques que poserait l'augmentation du nombre d'enfants d'origine étrangère. "Tu veux dire qu'il y a trop d'étrangers dans l'école ?" ai-je alors osé, sur la pointe des pieds, me surprenant moi-même des mots qui venaient de se bousculer maladroitement dans ma bouche. Il m'a souri. Un peu tristement. Désolé que j'ai pu dire ça. J'étais complètement à côté de la plaque.

Non, François me parlait simplement d'une modification sociale de fond. Il voulait m'expliquer l'aggravation de la situation de TOUS les enfants, toutes origines confondues et surtout tous milieux sociaux mêlés. François voulait me faire toucher du doigt un climat général détérioré qui, dans son école, ne provenait absolument pas de problèmes d'origine, de langue ou d'"identité nationale" ! Nous n'avons d'ailleurs JAMAIS utilisé ces mots dans notre conversation... Non, ce dont François me parlait déjà, là, d'entrée, c'est d'une crise globale et massive qui atteint de plein fouet tous les "acteurs" du "système" (quel vocabulaire de merde...) : parents, élèves et profs.

En gros, de plus en plus de mômes arrivent à l'école totalement "largués". Parce qu'ils sont comme "abandonnés" par des parents qui vont eux-même très mal, trop mal. Ce sont donc les profs - qui, souvent, ne vont pas mieux du tout - qui doivent sortir ces mômes de la flotte, comme ils le peuvent...

Les profs justement.

François l'a vu venir l'élection Présidentielle...

Lui, pour le coup, il l'a anticipée.

La parole de ses collègues, en salle des profs, s'était libérée - décomplexée ! - depuis de longs mois. Le boulot est si dur, l'afflux de problèmes si quotidien, le stress si présent, que nombre de ces profs ont été intéressés puis séduits par les discours de Nicolas Sarkozy. Autorité, mérite, efficacité, professionnalisme... La mayonnaise a pris chez certains.

Là, il faut être bien calé dans sa petite chaise et rengainer ses certitudes pour entendre et respecter la sévérité de François sur la gestion par la gauche les socialistes de l'Éducation. C'est bien simple, avec ses termes comptés - jamais une virgule de trop - et son phrasé précis, François n'a utilisé que deux mots dans toute la conversation pour qualifier la façon dont les gouvernements socialistes ont traîté du problème de l'Éducation, lorsqu'ils étaient aux affaires : une "attitude suicidaire". François a tout de même voté Royal (il ne m'a jamais parlé de Bayrou) mais il l'a fait par habitude et en ayant deviné que la défaite était au bout.

Mais laissons la politique. Le plus intéressant est venu lorsque François en est arrivé à me raconter ce qu'il voit de plus flagrant et de plus grave. Ce qu'il nomme "le sentiment de culpabilité" des collègues, qui n'y "arrivent plus" ; parce qu'ils ont le sentiment de ne "pas faire assez" pour les enfants. Et qui du coup perdent pied, petit à petit. De plus en plus stressés. De plus en plus coupables, ils fuient l'école à la sortie, dès 16h30 ; "la tête rentrée dans leurs épaules" - il mime le geste et l'attitude - , et rentrent bien vite chez eux. Le lendemain, ils reviennent, souvent en retard, se sentant encore plus coupables...

Bien sûr, avec des bouts de ficelles, de la bonne volonté et du courage, il y a toujours des héros (ce mot là est de moi, il ne parlerait jamais comme ça de lui, de ses collègues et de son travail, François...) qui parviennent à tirer des gamins de dix ans du gouffre qui est déjà bien ouvert sous leurs petits petons. Comme François... Pour à peine deux Smic par mois (avec vingt ans d'ancienneté, c'est moi qui le rappelle...). 2000 euros qu'il parvient à atteindre difficilement, mais parce qu'en plus des heures de cours, il surveille la cantine - donc il ne prend pas de pause le midi... -. Mais, il ne se plaint pas. Il vit bien. Il va bien.

Il faut surtout l'entendre en parler de ces ses mômes, François.

Voir ses yeux pétiller et irradier toute la terrasse du café, à Montparnasse, lorsqu'il évoque modestement son sentiment d'avoir réussi à leur expliquer un tout petit truc. Rien. Un machin modeste. Juste à la fin d'un film qu'il leur a projeté la veille. Ils ont compris. Il est heureux.

L'écouter s'inquiéter pour l'un d'entre-eux qui va plus mal ou juste moins bien que d'autres.

Lire simplement l'humanité qui tient presque toute entière au fond de ses yeux fatigués. Et dans son sourire aussi...

Le regarder refaire le geste qu'il a du accomplir, quelques semaines plus tôt, quand un gamin s'est trouvé mal dans la classe. Là, au café, devant moi, François ne me raconte pas l'histoire banale d'un malaise. Il revit complètement la scène. Il l'a vu tout d'un coup, ou il l'a senti peut-être, qui tombait de sa chaise, le gamin. Il a réussi tout doucement à amortir sa chute pour l'empêcher de se fracasser la tête sur le sol.

Là, au café, François, sa tête penchée, en face de moi, vient d'ouvrir grand ses deux bras et d'embrasser le vide ; certainement très exactement comme il les a ouverts puis refermés ce jour-là, pour protéger l'enfant... Il accompagne toujours la chute. Il le serre fort. Il allonge l'enfant. Il le rassure. Il prévient.

Tout va bien se passer.

Ils ont quand même de la chance ces nos mômes d'avoir des gars pareils pour leur tendre les bras et les rattraper. Juste avant qu'ils ne tombent.

Selon les Échos, le gouvernement souhaite supprimer 17.000 postes dans l'Education nationale l'an prochain, et non 10.000 comme l'a indiqué la semaine dernière le ministre Xavier Darcos...

6 juillet 2007

Incompétence (encore)

Lu dans le Monde :

La cour d'appel de Paris a jugé, vendredi 6 juillet, que le contrat nouvelles embauches (CNE) était contraire à la convention 158 de l'Organisation internationale du travail (OIT), estimant déraisonnable le délai de deux ans durant lequel un salarié embauché en CNE peut être licencié sans motivation.

La 18e chambre de la cour d'appel, présidée par Jean-Louis Verpeaux, était saisie d'une décision rendue le 28 avril par le conseil des prud'hommes de Longjumeau, dans l'Essonne, qui avait requalifié un contrat nouvelles embauches en CDI (contrat à durée indéterminée), jugeant que l'ordonnance créant le CNE était contraire au droit international, un jugement de principe qui constituait une première.

"À L'ENCONTRE DES PRINCIPES DU DROIT DU TRAVAIL"

Dans sa décision, la cour d'appel a repris, en le complétant, l'argumentaire développé en première instance. Elle constate d'abord que "durant une période de deux années, le CNE prive le salarié de l'essentiel de ses droits en matière de licenciement", le ramenant à une situation où la charge de la preuve de l'abus de la rupture du contrat de travail lui incombe. "Cette régression, qui va à l'encontre des principes fondamentaux du droit du travail dégagés par la jurisprudence et reconnus par la loi, prive les salariés des garanties d'exercice de leur droit au travail", estime la cour.

La juridiction s'étonne d'ailleurs :"Dans la lutte contre le chômage, la protection des salariés dans leur emploi semble être un moyen au moins aussi pertinent que les facilités données aux employeurs pour les licencier" et remarque "qu'il est pour le moins paradoxal d'encourager les embauches en facilitant les licenciements". En conséquence, "le contrôle de proportionnalité ne permet pas de considérer que le délai de deux années institué par l'ordonnance du 2 août 2005 soit raisonnable" au regard de la convention 158 de l'OIT, conclut la cour.

Créé en août 2005, le CNE est un contrat de travail à durée indéterminée destiné aux entreprises de vingt salariés ou moins, débutant par une période de deux ans pendant laquelle l'employeur peut licencier son salarié sans avoir à fournir de justification.


Quel est le parti politique "maîtrisant ses dossiers" qui est à l'origine de ce texte ?

5 juillet 2007

Honneur de la police

Je n'ai pas l'habitude de proférer des insanités dans mes billets. Je respecte le travail de chacun, et donc celui des gardiens de la paix (terme que je préfère aux forces de l'ordre, qui a un relent fascisant). Mais voilà, dans toutes les professions il y a des imposteurs, des incompétents, et il serait inique de ne pas pouvoir dénoncer des actes indignes. Sauf que... le Parquet est trop souvent glissant en ce qui concerne la liberté de parole et l'expression de la vérité, surtout quand elle dérange. Thierry nous le rappelle, il est mal vu de dénoncer les "bavures" dans ce pays qui replonge à grande vitesse dans le totalitarisme.
Reviens Papon, on déconnait !

Lamine Dieng avait 25 ans. Il est mort dimanche 17 juin, rue de la Bidassoa (Paris XXe), après être passé entre les mains de la police. Sa famille a été prévenue le lendemain à 17h30 et a été autorisée à voir le corps mardi 19 juin à 14 heures.

Dimanche 24 juin, un millier de personnes manifestaient dans le calme, à Belleville, pour réclamer la vérité sur sa mort. Silence assourdissant des médias.

Mardi 26 juin, Hamé, chanteur du groupe La Rumeur est renvoyé une nouvelle fois devant les tribunaux. En cause son article «Insécurité sous la plume d’un barbare», publié dans son fanzine en 2002.
Passage incriminé: «Les rapports du ministère de l’intérieur ne feront jamais état des centaines de nos frères abattus par les forces de police sans qu’aucun des assassins n’ait été inquiété.»
Poursuivi par la radio Skyrock et par le ministère de l’intérieur, il est relaxé une première fois en 2004, relaxe confirmée en appel en 2006.

Cette fois c’est l’avocat général de la Cour de cassation qui fait appel de la relaxe, l’affaire sera jugée une nouvelle fois le 11 juillet prochain, estimant que l’article de Hamé comporte bien «des faits déterminés à porter atteinte à l’honneur de la police».

On espère que la justice saura faire taire les divagations d’un agité, tout le monde sait que Malik Oussekine a glissé dans l’escalier, l’encaustique a d’ailleurs lourdement été condamné.
Quant aux victimes d’octobre 1961, elles n’ont jamais existé et se sont jetées toutes seules à la Seine. Il faut mettre hors d’état de nuire tous ces gauchistes mythomanes, sinon ils iront toujours plus loin. Vous verrez qu’un jour ils en arriveront à affirmer que nos gardiens de la paix ont collaboré à la déportation en 1942 des 4031 enfants juifs parisiens qui ne sont jamais revenus d’Auschwitz.

Le dessinateur Placid a été condamné pour avoir représenté un policier avec un groin, c’est un bon début ! Il faudrait maintenant attaquer Forton et Pellos à titre posthume car on trouve d’innombrables «faits determinés à porter atteinte à l’honneur de la police» dans les albums des Pieds Nickelés.

Plus sérieusement l’acharnement dont est victime Hamé est révélateur. Skyrock diffuse à longueur de journées des groupes de rap bas de plafond dont les paroles glorifient le machisme et la violence, pérennisant ainsi le cliché de la racaille décérébrée. En revanche, qu’un jeune des quartiers replace la question des cités et de l’insécurité sur le terrain qu’elle n’aurait jamais du quitter, celui de la lutte des classes, c’est tout bonnement insupportable pour notre gouvernement de combat.
Au fait, ça a donné quoi l’enquête sur le tabassage de deux noirs menottés (voir mon post Peur Bleue) par la police, au mois d’avril ?
Qu’on poursuive au moins le jeune homme qui a filmé la scène, car elle dévoile, là encore, indéniablement «des faits déterminés à porter atteinte à l’honneur de la police» !




3 juillet 2007

Génocidaire

Olivier Bonnet nous fait ce rappel salutaire, qui hélas ne risque pas d'émouvoir un pouvoir décomplexé et en train de redynamiser la Françafrique...
Oui, la France savait.
Le président François Mitterrand a affirmé à la télévision, le 14 juillet 1994 : "Les Français sont partis plusieurs mois avant le déclenchement de ce génocide qui a suivi l'assassinat des présidents du Rwanda et du Burundi. A ce moment-là, on nous a suppliés de revenir en nous disant: "Sauvez les casques bleus, ramenez les Français, les Belges, les étrangers qui se trouvent au Rwanda", ce que nous avons fait.(…) Nous avons sauvé des dizaines, des milliers de gens, de pauvres gens qui avaient déjà supporté beaucoup de souffrances." Mais cette version de l'histoire est un pur mensonge, comme l'écrivait déjà en 1997 le journaliste Mehdi Ba, dans Rwanda, un génocide français (ouvrage réactualisé en 2004). De nouvelles preuves accablantes viennent d'être dévoilées dans l'édition d'hier du quotidien Le monde, qui dissèque le contenu de plusieurs volumes d'archives de l'Elysée transmis au tribunal aux armées. Ainsi, lorsque le régime du président rwandais Juvénal Habyarimana appelle la France au secours, le 3 octobre 1990, pour le défendre contre l'offensive menée par les hommes de Paul Kagamé et son Front Patriotique Rwandais, soutenu par l'Ouganda, les premiers signaux d'alerte sont adressés à Mitterrand dès le 12. Après que plusieurs milliers de Tutsis, ainsi que des Hutus considérés comme amis des Tutsis, ont été arrêtés dans la capitale Kigali, le colonel Galinié, attaché de défense sur place, écrit ce jour-là dans un télégramme : "Il est à craindre que ce conflit finisse par dégénérer en guerre ethnique". Le lendemain, c'est l'ambassadeur de France Georges Martres qui prend la plume : "Les paysans hutus organisés par le MRND [parti du président] ont intensifié la recherche des Tutsis suspects dans les collines. Des massacres sont signalés dans la région de Kibilira (...) [les paysans] participent de plus en plus à l'action militaire à travers des groupes d'autodéfense armés d'arcs et de machettes". Dix jours à peine après l'envoi d'une compagnie du 2ème régiment étranger de parachutistes, le détachement Noroit, les massacres ont donc déjà commencé et la France le sait. Elle maintiendra pourtant durant trois ans des effectifs militaires qui grimperont jusqu'à 680 hommes pour soutenir le régime génocidaire. En cause, la volonté de ne pas laisser le champ libre au monde anglo-saxon, représenté par Kagamé et ses alliés ougandais. On défend donc Habyarimana, coûte que coûte. Il est le chef des massacreurs mais l'ami de la France... Alors on lui dépêche 80 conseillers pour former ses soldats, le lieutenant-colonel Gilbert Canovas exerçant même la fonction derwanda_l_inavouable conseiller du chef d'état-major de l'armée rwandaise. "Des soldats de notre pays ont formé, sur ordre, les tueurs du troisième génocide du XXe siècle. Nous leur avons donné des armes, une doctrine, un blanc-seing", accuse en 2004 le journaliste du Figaro Patrick de Saint-Exupéry, dans son livre L’inavouable - La France au Rwanda. Cette implication directe de la France était donc connue depuis longtemps, mais les archives de l'Elysée fournissent de nouveaux éléments démontrant bien à quel point les autorité françaises savaient ce qu'elles faisaient.

Annonce du plan de génocide systématique dès janvier 1993

Elles sont par exemple averties le 19 janvier 1993, par un nouveau télégramme de l'ambassadeur Martres, que le président rwandais aurait lui-même intimé "l'ordre de procéder à un génocide systématique en utilisant, si nécessaire, le concours de l'armée et en impliquant la population locale dans les assassinats". Le 18 février, c'est au tour de la DGSE d'envoyer une note dénonçant les "véritables massacres ethniques" et un "vaste programme de purification ethnique dirigé contre les Tutsis". Mais le FPR menace de gagner la guerre, alors on envoie des renforts français en soutien des futurs génocidaires. Et quand l'avion du président Habyarimana est abattu, le 6 avril 1994, le génocide commence comme prévu. Le diplomate Bruno Delaye, conseiller Afrique de l'Elysée, informe son patron de tueries d'une "ampleur horrifiante : de l'ordre de 100 000 morts, selon les responsables du CICR (…). Les milices hutues, armées de grenades et de machettes, massacrent les Tutsis qui n'ont pas pu trouver refuge". Du début à la fin, la France était parfaitement au courant de la tragédie qui rwanda_le_monde_d_sinformese déroulait. C'est cette vérité que fait une nouvelle fois éclater les révélations du Monde. Qui s'exonère pourtant de tout mea culpa. Or sa couverture des événements fut à l'époque proprement scandaleuse, comme le montre l'enquête du chercheur Jean-Paul Gouteux, titrée de façon éloquente Le Monde, un contre-pouvoir ? Désinformation et manipulation sur le génocide rwandais, ainsi présentée par le collectif Les mots sont importants : "Non seulement le journal a mis très longtemps avant de parler du déchaînement de violence que plusieurs témoins avait pu constater depuis avril 1994. Mais les reportages ont tendu systématiquement à diluer les rôles respectifs de chacun, présentant le génocide comme des massacres inter-ethniques, impliquant le régime au pouvoir, mais aussi les rebelles du FRP (combattants ougandais). L’auteur montre l’omniprésence, chez certains journalistes du Monde, d’une grille de lecture ethniciste, qui nie les ressorts politiques du génocide et le réduit à une guerre tribale, entre deux ethnies antagonistes depuis des siècles. Les spécialistes de la région ont pourtant à de nombreuses reprises réfuté cette vision du Rwanda, rappelant que hutis et les tutsis ont la même langue, la même culture et vivent ensemble. L’idée selon laquelle la conscience politique se réduit, chez les Africains, à simples réflexes de solidarité ethnique, reste encore très profondément ancrée en France. L’auteur déploie une analyse très minutieuse (les articles sont longuement cités, de même que les journalistes mis en cause), et il essaie de comprendre leurs motivations (liens avec les services secrets français, soutien à François Mitterrand, ou réflexes intellectuels profondément ancrés dès qu’il s’agit de l’Afrique). Précisons que Le Monde a attaqué en justice Jean-Paul Gouteux, et que le journal a été débouté de sa plainte, les juges reconnaissant la qualité et le sérieux de l’enquête." Sont particulièrement accusés Jean-Marie Colombani et Jacques Isnard.

Pour en finir avec la responsabilité de la France dans le génocide rwandais - qui pourrait prochainement connaître des suites judiciaires, puisque l'on a appris hier que six survivants ont demandé à la justice l'audition des anciens ministres Alain Juppé et Pierre Joxe, d'Hubert Védrine et de plusieurs militaires -, l'Observatoire permanent de la coopération française, formé d’une quarantaine d’experts, africanistes et responsables d’ONG, livre sur ce sanglant épisode des conclusions terrifiantes : "La France (…) a soutenu militairement le régime Habyarimana, l'armant, voire combattant à ses côtés ; elle a instruit, renforcé ou "assisté" certains des éléments qui exécuteront le génocide (Garde présidentielle, une partie de l'armée, milices d’"autodéfense") ; elle a favorisé la division de l'opposition démocratique, pivot des accords d'Arusha [qui ont tenté de mettre un terme à la guerre civile, le 4 août 1993, Ndlr] ; elle n'a pas rompu, durant le génocide, avec ses principaux responsables, constitués en "gouvernement intérimaire" - le soutenant diplomatiquement, et facilitant, selon plusieurs sources, la poursuite des livraisons d'armes ; elle a reconnu beaucoup trop tardivement le génocide, faisant obstacle, avec d'autres, à une réaction rapide de la Communauté internationale".

On dénombre quelque 800 000 victimes. Quelque chose à objecter, messieurs les pourfendeurs de la "repentance" ?

Aujourd'hui, le monde entier sait pour le Darfour ; en France, on tue dans les fourgons de police, on laisse la misère s'installer et les incendies tuer presque chaque semaine...