15 mai 2007

Et revoilà Napoléon III

Excellent article paru dans Bakchich...
Vue d’Alger mardi 15 mai 2007 par Malika Rededal

Ce n’est pas mon genre de me moquer des présidents des autres pays, surtout publiquement, d’autant qu’en la matière nous n’avons pas de leçons à donner. Et de quel droit me moquerais-je du choix des français qui ne me regarde pas quand je parle depuis un pays qui, chaque fois que la France se mêle de nos histoires, se met à crier à l’ingérence. Mais quand même, j’aimerais que quelqu’un m’explique : pourquoi un jeune président français qui n’a pas fait la guerre d’Algérie, qui monte à cheval comme un cow-boy, qui à peine élu court faire la bringue au Fouquet’s, puis se jette dans un jet avant d’aller se bronzer dans un yacht sur les côtes maltaises, parle-t-il dès qu’il s’agit d’Algérie et des colonies françaises comme un preux chevalier du 17 ème siècle, comme si l’humanité faisait encore la guerre à cheval et à dos d’âne ?

Comment un jeune président de la République française peut-il dire devant les caméras du monde entier des choses aussi surannées que celles-ci : « Le rêve européen […] s’est rétréci quand s’est brisé le rêve qui jeta jadis les chevaliers de toute l’Europe sur les routes de l’Orient, le rêve qui attira vers le sud tant d’empereurs du Saint Empire et tant de rois de France, le rêve qui fut le rêve de Bonaparte en Egypte, de Napoléon III en Algérie, de Lyautey au Maroc. Ce rêve qui ne fut pas tant un rêve de conquête qu’un rêve de civilisation. »

Ces propos n’ont pas été tenus jadis mais le 3 mai dernier à Montpellier. C’est génétique ou quoi cette cécité, cette volonté d’imposer ses rêves aux autres ? « Rêves de civilisation », incroyable quand même, pour Sarkozy comme pour Napoléon III, nous restons des barbares. De Napoléon III à Nicolas Sarkozy, deux siècles d’histoire nous regardent. Deux siècles. La première fois que Napoléon III employa l’expression de Royaume arabe c’était en 1863. L’Algérie vaincue et occupée depuis 1830 divise la France coloniale entre les partisans « du pouvoir du sabre » et les partisans du pouvoir civil, toute la question étant de savoir quelles miettes laisser aux indigènes. Les colons veulent tout et maintenant, les militaires avec leurs fameux « bureaux arabes » veulent se rallier de gré ou de force les chefs des tribus algériennes pour gouverner cette nouvelle colonie. Napoléon III que l’on décrit comme un indigénophile est moins méchant que les colons et ils aiment bien voir les cavaliers arabes sur leurs chevaux à condition qu’ils se rallient à la mission civilisatrice de la France. Savez-vous ce que chantait un poète kabyle, Smaïl Azzikiou, un contemporain de ce Napoléon III, pendant que ce dernier rêvait de nous civiliser, Smaïl, lui chantait : « Ton cœur ô France est implacable/Les gens sont partis en emportant leurs ustensiles./Les terres ont été prises par les Espagnols,/Les Maltais et les agents prévaricateurs./Vous vous êtes emparés des cimetières et des communaux. /On ne sait plus où attacher un âne ! »

Comment voulez-vous nous civiliser ô France implacable si on a même plus de place pour attacher nos ânes ? C’est pour cela que depuis nous cachons nos moutons dans nos baignoires.

Après Napoléon le Petit, voici Nicolas le Petit...

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