27 octobre 2006

Bêtises (3)

Le swâmi nous le rappelle, il n'y a rien de plus abject que d'humilier un enfant...

Le 5 juin, Journée mondiale de l’Environnement, eut lieu la cérémonie de remise des prix aux gagnants du 15e Concours international de peinture d’enfants sur l’environnement (Programme des Nations Unies pour l’environnement), tenu pour le plus important du monde. [...]
Les gagnants recevaient des cadeaux : un T-shirt [...] et un appareil photo numérique de marque Nikon, une firme japonaise.
À l’exception de l’enfant cubain, tous les autres enfants ont reçu leur appareil photo, comme chaque année dans le cadre de cette cérémonie.
Motif : Le blocus américain.
Messieurs de chez Nikon, on n’humilie pas un enfant !

On trouve sur Ahora.cu un article [...] qui contient une interview du professeur qui accompagnait l'enfant (Raysel) à cette remise de prix nous apprend un certain nombre d'éléments factuels intéressants :

  • La remise des prix de ce concours sous l'égide de l'ONU s'est déroulée au Palais des Nations d'Alger. Du coup on comprend très mal l'argument de l'embargo américain sur Cuba, pour qu'une société japonaise refuse d'offrir un appareil photo à un enfant cubain à... Alger. Le bras (d'honneur) de la World Company s'étend-il aussi loin ?
  • La remise des prix a eu lieu en présence des représentants [...] de Nikon (avec, en tête, son président) et de la Fondation pour la paix globale du Japon. On ne peut donc pas glisser "l'incident" sous le tapis en l'attribuant à l'erreur ou à l'incompétence d'un quelconque sous-fifre, Ooops ! Pardon ! On s'a gourré !
  • La société Nikon n'a pas jugé utile de contacter les représentants cubains, ni le professeur accompagnant l'enfant, ni avant, ni après la remise des prix, pour les prévenir de ce qui allait se passer, ni se justifier de ce qui s'était passé : (Le professeur) Personne n'est venu me trouver en tant que représentant légal de l'enfant à la cérémonie, personne ne s'est adressé non plus à l'ambassadeur de Cuba en Algérie, M. Roberto Blanco, représentant du gouvernement de mon pays, ni même à M. Ricardo Sanchez, directeur général du PNUE pour l'Amérique latine et les Caraïbes, pour fournir une explication.
  • Pire que tout, la sournoiserie : Discrétos, pas que ça se voie sur la photo, pas faire de vagues avec les journalistes : l'enfant n'a pas été visiblement privé d'appareil photo, non, on lui a remis... une boîte vide. Enfin sinon vide (elle contenait selon le professeur du matériel de dessin de qualité), du moins une boîte dont l'appareil photo avait été retiré : (Le professeur) à la fin de la cérémonie, j'examine le paquet cadeau de Raysel et je constate qu'il y manque l'appareil photo ; il y avait juste un étui de la firme Nikon, de couleur beige, avec du matériel de dessin de très haute qualité, de marques anglaises, japonaises, etc.

Avec les détails, cette affaire déjà bien sordide apparaît comme absolument ignoble.

Quels que soient les motifs d'embargo évoqués par Nikon, et quand bien même l'appareil aurait été fabriqué aux U.S.A. ou aurait contenu des pièces ou des logiciels en provenant, cela ne justifie en rien qu'un enfant en ait été privé pour d'aussi boueuses considérations. Comme si un appareil numérique que l'on remet à un enfant, et que l'on trouve certainement en vente dans des dizaines de milliers de magasins du monde entier pouvait constituer en quoi que ce soit une arme de guerre ou un objet secret ou dangereux !

Et quand bien même le fait de remettre cet appareil à un enfant aurait contrevenu à une loi U.S., il aurait été un devoir moral d'enfreindre cette loi, décision d'autant plus facile à prendre que le président de Nikon lui-même était présent. On peut tenir pour certain que jamais l'administration américaine n'aurait osé se couvrir de honte et de ridicule en tentant de poursuivre ou sanctionner Nikon pour une telle affaire, et, quand bien même, qu'aurait représenté l'amende ou la sanction encourure, pour une société de la taille de Nikon ? Imagine-t-on une seconde que l'entreprise aurait subi une sanction de nature à la mettre en danger ou à lui poser le moindre réel problème ?

Il me semblait que dans le passé, les Japonais s'enorgueillissaient, au plus haut niveau, d'un code de l'honneur extrêmement exigeant. Il y a des samouraïs qui se sont fait seppuku pour moins que ça. Mais on dirait que l'honneur, c'est un peu passé de mode. Surtout à la tête des multinationales.

(Fin de citation.)

Je sens déjà quelques bonnes âmes m'accuser d'anti-américanisme. Ils se trompent, mais peu importe, je suis certainement déjà fiché...

2 commentaires:

  1. Je viens souvent lire vos posts car j'aime votre oeil incisif sur l'actualité. Je dois avouer que je suis totalement écoeurée par ce que vous rapportez. Je me demande souvent où se place l'humanité de certaines personnes, là je me demande surtout où se place leur raison ? Peut-on réellement faire une chose pareille à un enfant sans se sentir ridicule et méchant.
    Cette information me laisse perplexe et moi qui envisageais de créer un site de boycott (afin de sanctionner les entreprises inhumaines), je me dis que Nikon aurait de bonnes chances d'y figurer. Ce n'est pas gravissime en soi, juste absolument nullissime !!!

    Nevrosia

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  2. Petaramesh indique sur son blog les raisons de ne pas appeler au boycott. Habitant Lyon, il a certainement comme Guignol eu sa dose de coups de matraque et craint peut-être qu'un cybergendarme le dénonce à Nikon qui gagnerait assurément en justice (les marques font la loi...) Mais d'autres commentaires appellent aussi au "choix citoyen" et à l'utilisation "à bon escient" de la carte bleue (euh, marque déposée ?) À chacun d'agir selon ses convictions.

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