19 décembre 2006

La Suisse aux quatre langues

Après le livre d'Olivier Sillig, je me suis retrouvé en panne de lecture - je n'ai pas eu le temps de passer à ma bibliothèque municipale. Heureusement, j'ai une bibliothèque assez fournie, et je suis resté "en Suisse" en relisant "La Suisse aux quatre langues", un livre remarquable qui présente la situation linguistique en Suisse...

Pas si simple, la Suisse a 4 langues nationales : l'allemand, le français, l'italien et le romanche. Le romanche a récemment gagné le statut de langue officielle, qu'il n'avait pas jusque-là.

Mais la réalité est plus complexe :

En Suisse alémanique, le dialecte alémanique est revenu à la mode. Il est parlé de plus en plus, y compris dans les médias et dans l'enseignement.
Cela pose un problème aux autres communautés car la distance avec l'allemand standard est considérable, et l'intercompréhension quasiment impossible. Alors que c'est l'allemand standard qui est enseigné par exemple en Suisse romande. Les méthodes d'alémanique commencent à paraître, mais la fragmentation dialectale de l'alémanique fait qu'il n'existe pas de variante unifiée...

Enfin, toute la Suisse alémanique ne parle pas alémanique : une vallée à l'est des Grisons parle le dialecte bavaro-autrichien...

En Suisse "italienne" (Tessin, partie des Grisons) le dialecte parlé est le lombard occidental... sauf dans une vallée des Grisons qui parle le lombard oriental... Ces deux dialectes sont en fait des variantes du gallo-italien (rebaptisé padanien par des mauvaises fréquentations) une langue en fait distincte de l'italien standard... qui a regagné des locuteurs par la forte immigration italienne en Suisse.

En Suisse romande, la langue vernaculaire n'est pas vraiment le français, mais le francoprovençal ou arpitan (sauf dans le canton du Jura et dans quelques communes du canton de Berne qui parlent un dialecte français). Le francoprovençal a été anéanti dans les cantons protestants (Genève, Vaud, Neuchâtel) et est à l'agonie dans les cantons catholiques...

Enfin, j'avais à l'origine acheté ce livre pour avoir une introduction au romanche. Cette langue ou ces langues est très fragmentée. Au début du second tiers du vingtième siècle, la Lia rumuntscha a procédé à une réforme linguistique qui a fixé cinq langues écrites, surmiran, surselvan, sutselvan, ladin puter et ladin vallader. D'autres formes dialectales ont subsisté. Mais difficile de fonctionner comme langue administrative avec une telle variété. À la fin des années 1980 est apparu le rumantsch grischun, une langue artificielle construite sur le principe du plus grand dénominateur commun. Elle a connu un certain succès, mais cela n'empêche pas le lent déclin du romanche dans un canton où la langue de communication est l'allemand...

Je ne pourrai terminer sans souligner que la Suisse reste la preuve qu'un état plurilingue est viable et que l'acharnement jacobin, en France, contre les langues régionales, est d'autant plus ridicule que cela se passe dans un pays limitrophe...

2 commentaires:

  1. merci pour cet intéressant article. Existe-t-il un dictionnaire français- Surselvan, par ex.?
    Engraziel...
    Colette Hein Vinard

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  2. J'avoue ne pas savoir. Le mieux serait sans doute de contacter la Lia rumanstscha... en fait, sur leur web page http://fm.rumantsch.ch/lr/rm/FMPro?-token=12586183&-db=cudeschs.fp5&-lay=web&-format=ven_resultats.html&-error=ven_resultats.html&-max=20&-lop=AND&-op=cn&Idiom=sursilvan&-op=cn&Gener=vocabulari&-sortfield=Titel&-sortorder=ascending&-find
    on voit qu'il existe un tel vocabulaire...

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