Droite et information. Nation, Sarkozy et mariage
Les maîtres de la droite, les maîtres de l’argent ne changent guère leurs méthodes, d’une élection à l’autre. Affoler, inquiéter un peuple français, qu’ils supposent frileux, replié sur lui-même, presque veule, et pour lequel ils n’ont finalement que peu de considération, reste leur objectif privilégié dès qu’ils sentent que la victoire, qu’ils considèrent par principe acquise dans toute élection, leur échappe. Vous allez voir, les incidents comme celui de la gare du Nord vont se multiplier. Sous couvert de devoir, il va être demandé à certaines forces de police d’en rajouter, en souhaitant sans doute qu’il se passe quelque chose. Et comme toujours, la droite comptera sur ses amis au sein des medias pour amplifier la peur, la vivifier… J’ai déjà assisté de loin à ce petit jeu, en 2002, et je pressens que la même pièce s’apprête à se jouer. M.Namias est toujours là, à TF1, prêt à rendre service, en échange d’une fonction honorifique pour son épouse, ou d’une décoration… Qu’il en profite bien, car il se murmure que Sarkozy pense qu’il a fait son temps, et il aurait demandé à son ami, Martin Bouygues, un rajeunissement à la tête de l’information de la chaîne privée. Quant à M.Mazerolle, sa capacité de nuisance est aujourd’hui limitée, et il faut s’en réjouir. Je suis chaque fois stupéfait quand je pense que Michelle Cotta, patronne d’antenne 2 à l’époque, et pour laquelle j’ai une certaine estime, serait allée défendre en 2001, à Matignon, dans le bureau du directeur de cabinet de Jospin, Olivier Shrameck, la nomination de ce Mazerolle à la tête de la rédaction d’Antenne 2. Belle idée, en effet, que de laisser s’installer à la tête de l’information de la plus grande chaîne publique, un homme de droite qui, dit-on, tirait les larmes des femmes journalistes sous ses ordres à Radio Luxembourg, en leur parlant comme un sous-officier de la Légion étrangère. [...]Nicolas Sarkozy, et, pour être exact, M.Henri Guaino, l’homme qui lui écrit ses discours, ont décidé de s’approprier ces temps derniers la Nation. Ils vont même, chacun le sait, jusqu’à citer Jaurès. Pourquoi pas ? Il n’est jamais trop tard pour apprendre, encore faut-il comprendre.
La Nation, c’est une assemblée d’individus égaux en droit qui décide souverainement de son sort en s’en remettant au respect aux Droits de l’Homme et du Citoyen. La Nation offre les même droits à tous, libre à chacun d’en faire ce qu’il veut dans le respect des droits de l’autre. La Nation n’est donc pas un assemblage de communautés, de corporatismes, de clientèles à qui l’Etat octroie des droits à raison de leur particularisme tout en déniant ces mêmes droits à autrui. La Nation ne divise pas, elle rassemble. Sans exception. C’est dans ce sens qu’il faut entendre Jaurès lorsqu’il disait que la Nation, « c’est le dernier bien des pauvres ». La Nation offre, même au plus démuni de ses membres, les mêmes droits qu’au plus fortuné, mais elle ne lui accordera pas de droits particuliers à raison de sa pauvreté, ou de ses croyances, ou de ses opinions politiques, ou de ses mœurs, ou de sa religion… Et si la puissance publique intervient en ces domaines, ce sera pour rétablir l’égalité des droits qui serait, pour une raison ou pour une autre, menacée de disparaître entre membres de la Nation, situation qui mettrait en péril la Nation elle-même. Rétablir un ordre juste, en somme. Relisez ce que j’ai dit sur ces questions lors du tricentenaire de la révocation de l’édit de Nantes en 1985. Dans l’une des premières manifestations de l’esprit national, en 1598, Henri IV avait finalement accordé la liberté de religion. Il avait compris que faute d’égalité religieuse entre tous, les désordres et les guerres continueraient. Il appartenait à l’Etat de faire triompher ce qui n’était pas de l’ordre de la religion, de la foi, de la conscience individuelle, où l’Etat n’a que faire. Mais de l’ordre de la politique, dès lors que ce qui était en danger, c’était la Nation.
Je le déplore pour lui, mais c’est le contraire de ce que professe M.Guaino par la bouche de M.Sarkozy. Ce qu’ils appellent Nation, c’est l’opposition des uns aux autres, c’est la division des uns et des autres, qui mène inévitablement à l’oppression des uns par les autres.
Au risque de surprendre, j’estime qu’il en est aujourd’hui de même pour la question du mariage, et de la famille. Contrairement à ce que dit M.Sarkozy-Guaino, l’Etat n’a pas à se mêler de la vie privée et à définir ce que doit être une famille. Pas plus qu’il n’a à estimer, comme le candidat de l’UMP l’a fait récemment, que les homosexuels ne peuvent assurer « la sécurité » d’un enfant dont ils auraient la charge. Au nom de quoi peut-il en juger ? Au contraire, l’Etat, la Nation doivent aujourd’hui accorder à tous le même droit au mariage et à la famille. Sans distinction. Ségolène Royal l’a bien compris. A sa place, j’aurais adopté une position identique. Nos conceptions personnelles relatives aux moeurs n'ont rien à faire dans le débat public. Elles n'y ont pas place. Cela n'est pas le rôle d'un élu de la Nation. Son rôle, c'est de mettre en accord notre droit civil avec son époque. Souvenez-vous, en 1981, c’est le gouvernement de Pierre Mauroy qui a dépénalisé les relations entre personnes de même sexe de plus de seize ans. La Droite a hurlé. Et alors ? Elle hurlera si le droit au mariage et à la famille est ouvert aux personnes de même sexe. Et alors ? Il faudra supporter les jérémiades de Mme Boutin et les plaisanteries grasses de M.Dutreil ? Et alors ?
C’est ainsi que pour ma part, j’entends affirmer la puissance unificatrice de la Nation au service de tous ceux qui en sont membres. Oui, la Nation unit et ne divise pas, la Nation rassemble et n’oppose pas, la Nation réconcilie et n’oppresse pas. Et oui, j’irai partout le répétant sans cesse, oui, la Nation, c’est l’ordre juste !
Ou encore :
Pour finir, je félicite le directeur du Point pour la photo de une qui orne la couverture de son journal cette semaine. Il s'agit d'un portrait de Ségolène Royal choisi avec soin, on le devine aisément. Moi aussi en mon temps, j’ai eu droit à ces amabilités photographiques de la part de la presse aux ordres. Moi aussi, je me suis retrouvé, plus souvent qu’à mon tour, à la une de magazines, l’air défait, la mine hâve, le regard hagard et l’air tellement absent que je finissais moi-même par me demander si le cliché en question n’avait pas été pris à mon insu, à la fin d’une garde à vue de quatre jours. Soumise à un traitement identique, Ségolène Royal a, malgré tout, un petit avantage sur moi, et qui la préserve du pire. Ils ne pourront jamais la photographier mal rasée.
Excellent, ce blog de "Mitterrand" ! Merci de cette découverte ;-)
RépondreSupprimerMais de rien...
RépondreSupprimer