6 février 2008

Françafrique quand tu nous tiens

C'est écrit dans les dépêches d'agences qui remplacent peu à peu la presse, Idris Déby, président du Tchad, pourrait gracier les condamnés de l'arche de Zoé en remerciements pour l'intervention française qui lui a permis de sauver son régime. En termes de pratiques françafricaines, la rupture avec la rupture est donc consommée.

D'ailleurs, un vrai organe d'information, Bakchich, nous raconte les mésaventures d'un fournisseur français du propriétaire du Congo-Brazzaville :

Bricolage judiciaire autour de la villa de Sassou
mardi 5 février 2008 par Jacques-Marie Bourget

Que pèse un petit maçon français face au dictateur congolais quand ce dernier a « omis » de lui régler quelques menues factures ? La justice tricolore semble avoir son avis.

Le type qui n’a vraiment pas de chance c’est l’entrepreneur en bâtiment français qui poursuit depuis des mois Sassou Nguesso, le dictateur rouge (la couleur du sang noir) qui règne sur le Congo. Mardi 5 février, le maçon très entêté a fait, une fois de plus, convoquer le clan Nguesso devant le tribunal de grande instance de Versailles, porte 152 à 8 heures 45. Il réclame qu’on lui paye enfin une facture de travaux bel bien exécutés. Quelle sotte idée de réclamer des sous à ce sage d’Afrique, au moment où l’appui qu’il donne à Idriss Déby, dans l’embarras avec ses rebelles sur le dos, est jugé « capital » par l’équipe Sarkozy. Nguesso envoie donc des armes à son ami tchadien, et même quelques-uns de ces hommes qui vont si bien avec le bon bout du fusil, la crosse. Troubler en ce moment la bonne volonté d’un ami d’ami de la France ? Ce n’est pas bien malin. D’autant que ce Sassou (combien d’opposants morts au compteur ?), Nicolas Sarkozy le trouve « sympa ». Il n’y a que Rama Yade qui a boudé ce grand Congolais lors de sa visite à l’Elysée. On se demande pourquoi ?

Sur le sujet, celui de cet entrepreneur qui veut ses sous, le tribunal de Versailles a été bien « briefé » par la chancellerie de Rachida Dati. L’affaire est ultra « signalée ». Un membre du parquet aurait même pris contact avec l’avocat du maçon pour le dissuader « de faire du tapage. De traiter tout cela dans la discrétion qui convient… » à cette affaire d’Etat. Pas de chance, Bakchich, qui suit le rôle des tribunaux avec attention, a repéré la discrète audience. Au cours de laquelle le tribunal, hélas, va examiner des documents, titres de propriété et papiers de succession qui ne correspondent pas tout à fait à la réalité.

Sassou perd la tête depuis qu’il a vu Suzette

Donc ce bon maçon, sur ordres de la nébuleuse familiale Nguesso, a effectué des travaux dans un hôtel particulier du Vésinet, la « Villa Suzette », au 45 de la rue Maurice Berteaux. Officiellement c’est Valentin, frère du « conducator » africain, qui est le propriétaire de « Suzette ». Sassou ne faisant « qu’utiliser » la maison de son frère… Dans l’histoire de ces 485 m2, il y a aussi Wilfrid, le neveu du maître, qui met aussi son nez. Wilfrid agit par amour pour son oncle. Car le neveu n’est pas à l’étroit. Il vit à Courbevoie dans une villa un peu plus grande, 550 m2, avec garages pour Porsche, Ferrari, Aston Martin et autres crache-carbone.

Entre Chirac et Sassou, Wilfrid a joué un rôle de grand tisonnier : celui qui entretient la flamme de l’amitié. Par ailleurs, dixit le Canard Enchaîné : « Wilfrid Nguesso joue un rôle important dans le business franco-congolais : il dirige la Société Congolaise de Transports Maritimes, qui a pour partenaires le pétrolier Total ainsi que le groupe Bolloré et les autres. » Un type qui est ami de Deby et de Bolloré ne saurait être fondamentalement mauvais.

Bref, au Vésinet, une première tranche de travaux (3 400 000 euros), jugée pas assez chic, est cassée pour qu’on s’oriente vers les robinets d’or et le marbre de Carrare. On attaque donc une seconde tranche qui se monte à 800 000 euros. Sassou le vaut bien. Sur ce chantier de la gloire, l’entrepreneur, lui, attend toujours un solde de 600 000 euros, ce qui le rend grincheux. Sassou argue que cette maison n’est pas à lui. Quant à Wilfrid, il a tout oublié de « Suzette ». L’hôtel particulier, c’est bien commode, est présenté aujourd’hui comme la propriété d’une société de droit luxembourgeois aux actionnaires anonymes. Vivre heureux, c’est vivre caché.

« Sherpa » monte au créneau

Bien plus commode quand on sait que, cet été, ce bien de famille a été au cœur d’une autre bataille judiciaire. « Sherpa » , le réseau international de juristes qui n’a rien compris à la nouvelle politique sarkozienne de « rupture », a assigné Sassou devant la justice française. Avançant que les biens hexagonaux du dictateur « ont été payés avec l’argent du peuple congolais ». Incroyable. Et nos magistrats du parquet ont dit que non. Que la preuve de la chose n’était pas rapportée et qu’il n’y avait donc pas matière à poursuivre. Mais l’impérial William Bourdon, l’avocat-président de « Sherpa » et par ailleurs ami de Bakchich, continue d’enfoncer son clou dans la croix de Sassou : « Tous ces biens immeubles ont été acquis par flux financiers qui proviennent de sociétés off-shore, elles-mêmes alimentées par des détournements d’argent public ou d’argent de sociétés semi-publiques. » Et on a le sentiment que, dans cette histoire de robinets, la justice a beaucoup de mal à s’occuper du droit. Alors qu’elle a tant à faire avec le tordu.

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