Doit-on admettre en France le grand pouvoir insoupçonné des chefs d'Etats africains ? L'Elysée n'aurait-il pas les mains libres face à ces encombrants "amis" africains de la France ? En tout cas une chose est sûre, on ne soupçonne pas souvent l'immense pouvoir dont disposent certains chefs d'Etats africains. Eh oui, la Françafrique a ses revers, et ceux-ci peuvent être aussi dangereux pour la France que ne le sont ses réseaux mafieux pour l'Afrique. La Françafrique serait-elle pas tout simplement contre-productive pour la France et l'Afrique ?Étonnant, non ?
En France, le gabonais Omar Bongo, ce roi nègre, a toujours tiré sur les ficelles. Cet inamovible et indétrônable roi nègre dispose en effet d'un pouvoir immense et d'importants leviers de pression sur les locataires successifs de l'Elysée depuis de Gaulle jusqu'à Jacques Chirac et maintenant Nicolas Sarkozy qui prônait pour tant la rupture. Ainsi, de son palais de bord de mer à Libreville, d'un simple coup de colère accompagné d'un simple coup de fil à l'Elysée, il fait et défait des gouvernements français depuis des décennies. Le récent « limogeage » de l'ex-secrétaire d'Etat à la coopération, Jean-Marie Bockel par Nicolas Sarkozy est à cet égard une parfaite illustration. Comme bien d'autres avant lui, Omar Bongo a eu la peau de Jean-Marie Bockel. Et, à Libreville il est presque de notoriété publique que c'est Omar Bongo qui avait obtenu de Jacques Chirac la nomination de Dominique de Villepin au poste de Premier ministre."L'un des premiers freins au développement, c'est la mauvaise gouvernance, le gaspillage des fonds publics, l'incurie de structures administratives défaillantes, la prédation de certains dirigeants. Quand le baril est à 100 dollars et que d'importants pays producteurs de pétrole ne parviennent pas à se développer, la gouvernance est en question. Quand les indicateurs sociaux de ces pays stagnent ou régressent, tandis qu'une minorité mène un train de vie luxueux, la gouvernance est en question. Que deviennent ces revenus pétroliers? Pourquoi la population n'en bénéficie-t-elle pas? Est-il légitime que notre aide au développement soit attribuée à des pays qui gaspillent leurs propres ressources ?" Ces récentes déclarations du secrétaire d'Etat à la Coopération avaient déplu au roi nègre. Elles lui ont coûté son poste. Le reportage diffusé sur France 2 début mars n'a sans doute pas aidé à reconduire le patron de la Coopération. Reprenant les informations mises au jour par les policiers et les juges l'été dernier, la chaîne publique a montré l'étendue du patrimoine immobilier de grand et tout puissant roi nègre : 33 appartements ou maisons, un hôtel particulier de 19 millions d'euros...Re-colère d'Omar Bongo qui, en guise de représailles, expulse deux ressortissants français. Evoquant une véritable "cabale" et un "complot contre le Gabon et son président", le porte-parole de son gouvernement, René Ndemezo' Obiang, fustige la diffusion du reportage dans un communiqué : "En autorisant la diffusion par les chaînes publiques de reportages divulguant l'adresse privée du président de la République gabonaise en France, mettant ainsi en danger son intégrité physique ainsi que celle de sa famille, les autorités françaises ont manqué à leurs obligations de protection d'un chef d'Etat en exercice."Le ton menaçant et inhabituellement peu diplomatique laisse augurer des conversations houleuses échangées entre l'Elysée et le palais de bord de mer. Deux semaines plus tard, Bockel fait ses valises pour les Anciens combattants, où il pourra sans doute méditer sa propre réponse faite en janvier dernier au journal Monde, qui l'interrogeait sur le précédent de Jean-Pierre Cot, écarté en 1982 de la Coopération par François Mitterrand pour cause de réformisme trop enthousiaste : "C'est un vieil ami. Il s'est vite isolé et n'a pas forcément fait la bonne analyse. Moi, je suis avant tout un pragmatique. Je sais gérer les gens, les budgets, les contradictions. Je sais qu'on ne décalquera pas du jour au lendemain notre morale en Afrique. Je sais aussi que l'Afrique est le continent de demain, et qu'il en va de l'intérêt de la France de mettre en œuvre cette rupture. La jeunesse africaine l'attend." Eh bien, la jeunesse africaine attendra encore. Et tant pis pour les promesses de rupture annoncées lors de la campagne présidentielle.Tuer les petites pratiques moribondes et renouveler le dialogue avec les Africains ? En coulisse, le syndicat des chefs d'Etat africains s'organise. Bongo, Sassou (président du Congo) et Biya (président du Cameroun) prennent leur téléphone pour réclamer à Nicolas Sarkozy la tête de l'impétrant. Les jeux sont faits. Deux mois plus tard, la sanction tombe, alors même que le flamboyant Bockel s'est ravisé. Ainsi va la relation franco-africaine et plus exactement les relations franco-gabonaise et franco-congolaise. "C'est un signe intéressant." C'est en ces termes ironiques que le porte-parole du gouvernement gabonais a accueilli chaleureusement la "bonne nouvelle" du départ de Jean-Marie Bockel du secrétariat d'Etat à la Coopération. En clair : victoire par KO d'Omar Bongo qui, ayant demandé sa tête, a obtenu la dépouille du maire Gauche moderne de Mulhouse. Celui qui, dans ses voeux à la presse, appelait à signer "l'acte de décès de la Françafrique". Vous avez dit "rupture"?...Alors doit-on parler d'une humiliation de plus pour la France comme l'avait récemment décrié l'opposition et le Parti socialiste, et d'autres membres de la majorité dans l'affaire Kadhafi ? Pas si sûr. En effet, le vrai problème dans ce pays, c'est que tout le monde ou presque est d'accord avec cet état des choses. L'opposition politique fondamentale en France réside aujourd'hui entre ceux qui soutiennent une gouvernance de droite plus libérale sous l'impulsion de l'Union pour un mouvement populaire (UMP) et ceux qui, avec pour chef de fil le Parti Socialiste (PS), prônent un capitalisme plus modéré et plus social synonyme d'une meilleure répartition des richesses. Mais s'agissant de la politique africaine de la France, au-delà de quelques petites hostilités entre amis, ce clivage s'estompe nettement. À ce niveau en effet, la grille de lecture traditionnelle française opposant une gauche à une droite n'a plus de pertinence - car on retrouve des deux côtés des partisans de la Françafrique. C'est dire que parmi ceux qui dans le monde politique français aujourd'hui doivent s'inquiéter en cas d'un éventuel « déballage » des affaires illicites et compromettantes liées aux réseaux françafricains, il y a sûrement une majorité, même sûrement tous les membres des gouvernements successifs de droite depuis 1960. Et cela doit être exactement le même cas de l'autre côté de la barrière politique.Parallèlement aux élites politiques, d'importantes opérations de lobbying auprès des décisionnaires africains sont constamment organisées par des hommes d'affaires représentant des intérêts tricolores en Afrique comme Total, Areva, Bouygues, Bolloré, CFAO (de François Pineau), Castel... ; et par les représentants des principales compagnies pétrolières (BP, Shell, ExxonMobil, Chevron, Total et Eni).
Voilà pourquoi pendant des décennies les locataires successifs de l'Elysée (du général de Gaulle à Jacques Chirac) ont toujours montré une déférence extrême à l'égard des chefs d'Etats africains, notamment le gabonais Omar Bongo, le congolais Sassou-Nguesso, la camerounais Paul Biya, l'angolais José Eduardo dos Santos ou l'équato-guinéen Tedero Obiang Nguema dont les pays regorgent d'importantes ressources pétrolières, en faisant tant de concessions superflues que l'on a l'impression qu'un basculement a eu lieu dans lequel les deux parties ont oublié laquelle a le grand pouvoir et laquelle le petit. En effet, certains chefs d'Etats africains qui ont bien compris l'enjeu capital que représentent leurs colossales ressources naturelles pour les puissances occidentales et les appétits qu'elles aiguisent, se sentent pousser des ailes et se voient de ce fait investis d'un très grand pouvoir.Suffisamment grand en tout cas pour leur permettre d'exiger et d'obtenir de l'Elysée de nommer un Premier ministre ou de limoger un ministre et ou encore d'influer la liberté de la presse et sur le cours de la justice en France. De plus ils se sont offerts en France de supers réseaux de communicants et de lobbyistes bien introduits dans la classe politique française de tous bords. C'est pourquoi quand par exemple Omar Bongo, non content qu'on lui fasse un procès pour ses quelques « masures » à Paris, menace de fermer l'antenne librevilloise de Radio France internationale (RFI), les autorités françaises s'empressent de le calmer par un coup de fil apaisant. Une seule règle donc lorsque vous êtes élu président français et arrivez à l'Elysée : Ne surtout pas offusquer le « doyen » des chefs d'Etats africains, Omar Bongo qui a connu toutes les présidences françaises depuis le général de Gaulle. Ce roi nègre connaît tout le monde, sait tout sur tout le monde et surtout il maîtrise tous les dossiers brûlants de la Françafrique. C'est donc une véritable bombe qui peut vous exploser à la figure si vous n'y prenez garde. C'est à croire que pour les autorités françaises, ces encombrants « amis » chefs d'Etats africains seraient devenus une vraie menace.Il faut dire que cette politique hasardeuse et très risquée de l'Elysée, essentiellement axée sur des relations personnalisées avec les chefs d'Etats africains, a en effet solidarisé les présidents français successifs : Giscard D'Estaing, François Mitterrand et Jacques Chirac, avec des régimes corrompus et dictatoriaux qui ont même parfois commis des crimes contre l'humanité. Comme nous pouvons le voir, l'Elysée n'a donc pas les mains libres face à ces encombrants « amis » africains de la France.Alors la question est : L'Elysée, qui redoute qu'un jour ces puissants et encombrants « amis » chefs d'Etats africains, qui connaissent bien trop de secrets et de dossiers sensibles, et qui prennent trop de liberté, soient tôt ou tard emmenés à tout déballer sur la place publique, ne ferait-il pas mieux de les mettre aujourd'hui hors circuit, à la loyale, par la voie judiciaire ?Bienvenu MABILEMONO
24 mars 2008
Colonialisme ?
Finalement, c'est peut-être dans le sens inverse que cela se passe, si l'on en croit cet article de Congoplus :
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